DES
ADIEUX À CE MONDE
AUX
COLLINES ÉTERNELLES
LA MORT D'UN SAINT (2)
Si tu savais ce qu'est une communion..., le mystère d'amour qu'elle manifeste,... qu'elle t'accorde... et dont elle te rend participant !
« Nouvelle pause ; la ponctuation de Sulamitis (1) semblait faite pour la lecture à un moribond. »
Mon être s'unit à tout ton être, mon corps à ton corps, mon âme à ton âme !
Il ne put contenir ses pleurs : larmes d’amour, de reconnaissance... Quelle profonde impression causait sa ferveur ! »
Je me livre totalement à toi, pour que tu t'empares de moi, ou plutôt pour que tu te laisses prendre et posséder par moi.
« Sa main m'imposa rapidement le silence, un silence plus long que les autres. Je crus qu’il ne fallait pas lire davantage ; mais peu après, il me fit signe de poursuivre. »
Mon esprit et mon cœur, tout ce qui est à moi, est aussi à toi, et tu peux en user comme tu le veux (...).
« On avait l’impression qu’il savait tout cela par cœur, qu’il le répétait et le ruminait posément. »
Moi, qui suis Dieu, je ne puis faire plus... Je ne puis davantage te donner. Qu'ai je pu faire pour toi que je n'aie fait ?
« Ici prit fin la prière. La communauté achevait les siennes. La lecture de ces phrases et leur méditation avaient duré une demi-heure. On entendait déjà le tintement de la clochette et la rumeur de la psalmodie des frères. »
- Ils arrivent, mon Père.
- Déjà ! préparez bien tout.
« Le Prieur avec le viatique, et les Pères les plus anciens, s'approchèrent de l’alcôve. Les autres restèrent dans la cellule, mais ils purent tout écouter. Rapidement, avec une légèreté surprenante chez quelqu’un qui était resté sans manger depuis tant de jours, il voulut sortir de son lit pour recevoir humblement le Seigneur, à genoux sur le sol.
Nous ne le lui permîmes pas, et il resta dans son lit. Moment sublime ! C’est une coutume, dans l’Ordre, selon le rituel dominicain, que de demander pardon à la communauté et à ses membres, et de pardonner à tous. Avant que le Père Prieur ne lui adresse la parole, couché comme il l'était dans son lit, il dit, d’une voix claire, entrecoupée cependant de sanglots : "Je demande pardon à toute la communauté pour tant de fautes d’observance et pour tous les scandales que je vous ai causés, en n’accomplissant pas exactement les Constitutions. Je veux mourir au sein de notre sainte Mère l’Église, dont j’ai toujours voulu conserver et défendre la doctrine et, si je me suis écarté en quelque chose de la véritable interprétation, je le rejette et je veux que cela soit ôté de mes œuvres. Je demande particulièrement pardon pour les fautes de charité dans les discussions (2), spécialement celles que j’ai commises envers les très révérends Pères Carmes, que j’ai toujours aimés... Qu'ils enlèvent de mon dernier ouvrage les notes, et tout ce qui les blesse.”
« Le chagrin le gagna, lui et tous ceux qui l'entouraient. Le P. Prieur, surmontant sa douleur, lui ordonna de se taire et continua la cérémonie. Le P. Arintero reçut le saint viatique, avec une grande ferveur, au milieu des larmes et de l’admiration de tous les religieux.
« Il demeura paisiblement avec son Jésus. Je pensai qu’il ne se souviendrait pas des prières qu’il m’avait indiquées ; mais, après un bon moment, il ouvrit les yeux et me dit : "Maintenant, l’autre". De nouveau, avec plus d’angoisse, à la suite de la scène qui venait de se dérouler, je lus les lignes qu’il m’avait signalées (...).
« - Merci, merci, me dit-il, laissez-moi un peu. A la porte de l’alcôve, le frère infirmier pleurait aussi en silence, il entendait tout.
« C’est ainsi qu’il reçut par viatique la divine Eucharistie, le 9 février. Durant les jours qui suivirent, il fut plus recueilli, plus intérieur ; mais aussi plus affable, plus reconnaissant à tous ceux qui venaient le visiter. Ah, Jésus, je ne croyais pas qu’ils m’aimaient tant, dit-il à plusieurs reprises de ses frères ».
Peu à peu, le P. Arintero s’affaiblit. Son état s’aggrava. Dans la nuit du 19, le Prieur, le P. Estanislao Obeso, lui administra l'extrême-onction, que le moribond accueillit, sur le coup, avec un peu de surprise.
Au matin du lundi 20 février 1928, le P. Sabino Lozano le trouva plus faible encore, mais très paisible. Auprès de lui, comme pour veiller sur ses derniers instants, était posée sur la table de nuit une représentation du tableau de l’Amour Miséricordieux, peinte à son intention par Sulamitis. Il embrassait de temps en temps les médailles qu’il portait sur lui, multipliait les actes d’amour.
La communion ne lui fut pas donnée ce jour-là, à cause de ses vomissements.
Vers dix heures, ses frères l’entourèrent pour réciter, avec lui qui les accompagnait, les prières de la recommandation de l’âme. On avait l'impression qu'il était posé dans sa ferveur.
Après le déjeuner, tandis que les frères chantaient le Miserere en procession, dans le cloître, le P. Sabino Lozano se porta rapidement à son chevet. Tranquille, dans son silence, le P. Arintero l’accueillit et reçut de lui l’absolution. Il demeura conscient jusqu’au bout.
Mais il se mourait. Le Prieur arriva, troublant un peu par sa présence ces instants d’intimité et se retira. Quand le bon Père entra en agonie, le P. Lozano, qui allait bientôt diriger la Mère Magdalena, resta seul auprès de lui, avec un frère convers.
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(1) Sulamitis était le nom de plume utilisé par la Mère Marie-Thérèse Desandais dans la revue fondée par le Père Arintero, La Vida Sobrenatural.
(2) Il s'agit des polémiques qui eurent lieu entre le P. Arintero et, notamment, des Pères carmes, au sujet de la nature de la contemplation infuse.
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
« Vous qui êtes ici, dites un Pater à mon profit.
Pour moi ferez beaucoup et vous n’y perdrez mie. »
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