DES
ADIEUX À CE MONDE
AUX
COLLINES ÉTERNELLES
LA MORT D'UN SAINT (1)
Le moment approchait où le P. Juan G. Arintero devait achever sa vie d’ici-bas. Apparemment, rien ne permettait de penser qu’il fût si proche. Sa santé était habituellement bonne. Pourtant, la maladie se déclara avec violence, au début du mois de janvier 1928, vers la fête de l’Épiphanie. Le P. Arintero était parfois pris de vives douleurs intestinales, mais il n’y prenait pas trop garde. Ses « filles » de Cantalapiedra en furent informées le 18, par une lettre qu’il leur écrit. « Je pressens, dit alors la Mère Amparo, que nous allons bientôt rester sans lui ». Le 24, il vint pourtant leur rendre visite. Ce fut cependant la dernière. Il était déjà très affaibli. A la Mère Amparo, qui s’en inquiètait, il dit ces mots : « - Ne vous affligez pas, ma fille, je ne suis pas en train de mourir ». Puis, après un instant de silence, il ajouta avec bonté : « - Ne pleurez pas, ma fille, il faut vouloir ce que Dieu veut (...). Comme j’aimerais être enterré ici » (1).
Bientôt, cependant, le P. Arintero fut pris d’une paralysie intestinale. Le médecin l’obligea à abandonner sa table de travail pour s’aliter. Toute lecture lui fut interdite, même celle du bréviaire. Pourtant, en dépit des craintes que pouvait susciter la dégradation de sa santé, il demeurait parfaitement lucide. Il se rendait compte cependant lui-même de la précarité de son état et se hâta de régler les affaires de la revue, pour épargner des difficultés à son successeur.
Le P. Serrano, l’administrateur de La Vie Surnaturelle, qui nous a légué un très précieux témoignage sur ces circonstances, voulait le convaincre de ce qu’il avait le temps. « - Oh que non, mon ami, que non. Je suis gravement malade et je puis perdre connaissance dans les vingt-quatre heures » (2). le Père Juan demanda alors le Viatique, puis continua de donner ses indications pour la revue. Il manifesta le désir, s’il venait à mourir, d’être enterré avec, sur la poitrine, sous son scapulaire, la couverture du premier numéro publié. Puis, de crainte de perdre connaissance, il demanda que quelqu’un le veille. « - Ne croyez pas que je dors, prévient-il, même si j’ai les yeux fermés. Je profite de ces moments pour méditer ; je ne peux rien faire d’autre ».
Et le P. Serrano d’ajouter : « Nous le voyions bien, nous autres, en nous approchant de son lit. Chaque fois que nous allions lui demander quelque chose, nous étions dans l’admiration devant ce visage joyeux, comme ravi, qui semblait attentif à quelque conversation intérieure qui lui faisait oublier les douleurs intenses dont il souffrait » (3).
Au début, il espéra en un miracle et demanda au P. Serrano d’écrire à certaines religieuses pour les prier de l’obtenir de Dieu. La Mère Amparo savait pourtant déjà qu’il allait mourir. A un prêtre qui lui parlait de sa guérison possible, elle répondit : « - N’en croyez rien, notre Père s’en va avec le Seigneur ». Et elle dit au P. Tomás Etchevarría : « - Je ne peux pas demander à Dieu de nous le guérir, et quand je trouve en moi un empêchement pour solliciter une grâce temporelle, je sais que Dieu ne veut pas l’accorder » (4). La Mère Magdalena, de son côté, lui répondit : « - Ayez bon courage et beaucoup de générosité, mon Père ! Ne désirez rien, ne demandez rien, sinon l'amour. Il y a déjà quelqu'un qui demande au Seigneur tout ce dont vous avez besoin. Renouvelez votre offrande à l’Amour Miséricordieux » (Lettre du 9 février 1928).
Quand cette réponse lui parvint, qui ne lui laissait aucune illusion sur l’issue de sa maladie, le P. Juan était dans un état très grave. Il demanda au fidèle P. Serrano : « - Lisez-moi (sa lettre), seulement ce qu’elle dit sur l’amour de Dieu ». Informée de cette requête, elle envoya au P. Arintero cet ultime billet : « Mon Père, l’Amour accorde aux âmes tout ce qu’elles espèrent de Lui ; espérez tout, mon Père. Nous n’avons pas d’autre richesse que l'amour dont Dieu nous aime. Invoquez souvent l’Amour, blottissez-vous en Lui en disant de tout votre cœur : Jésus, je T’aime ! Amour, Amour ! j’attends tout de Toi. Je renouvelle mon Vœu à chaque battement de mon cœur. Amour de mon Dieu, je suis ta proie bienheureuse ; satisfais en moi ton ardeur infinie, transforme-moi en Toi ».
Toujours vigilante sur son Père très aimé, elle conclut : « Père, je vous envoie cette image pour que vous l’ayez au lit et que vous vous rappeliez de faire les Visites. Il suffit d’un regard et d’un baiser. Je demande tout ce que vous voudrez et ne pouvez pas ».
Ainsi éclairé, le P. Arintero se disposa à la mort. Ses supérieurs se résolurent à lui donner le saint Viatique. Tandis que le Fr. Raymond Peña, l’infirmier, rangeait la cellule et que la communauté commençait les prières au chœur, le P. Arintero demanda au P. Serrano de le préparer. Il faut ici s’effacer devant le très beau témoignage de ce dernier.
« Je fus surpris et apeuré. Qu’est-ce que j’allais dire, moi, en un pareil moment, à quelqu’un que je regardais comme un maître et un saint ? Comme s’il avait compris mes craintes, il me dit : - "Tenez, prenez la petite feuille Mystère d’amour à la sainte communion, qui est là pour ça, sur la table". Et, la prenant dans ses mains, il me montra : - "ça, vous me le lirez avant qu’ils n’arrivent, et ça après la communion, lentement, et quand je ferai comme ça, avec la main, vous me laisserez méditer, jusqu'à ce que je vous fasse signe."
Oh, si tu connaissais le don de Dieu ! Si tu connaissais Jésus !
« Un profond soupir s’échappa de sa poitrine. Longue pause. Les larmes commencent à couler sur ses joues, et j’arrivais à peine à retenir les miennes. » →
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(1) I. Flores de Lemus, El milagro de Cantalapiedra, Madrid 1978, pp. 134, 137.
(2) A Suarez, Vida del L. R. P. Fr Juan G. Arintero, Cádiz 1936, t. 2, p. 380.
(3) Loc. cit.
(4) I. Flores de Lemus, Op. cit., p. 138.
ARINTERIANA
Paris - France | 2023 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
« Vous qui êtes ici, dites un Pater à mon profit.
Pour moi ferez beaucoup et vous n’y perdrez mie. »
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