LA GRÂCE DE DIEU ET LA COMMUNICATION DE L'ESPRIT-SAINT (2)
Cette seconde nature est constituée par la grâce sanctifiante elle-même, qui s’enracine dans l’âme transformée. Ces puissances sont les vertus théologales et les dons du Saint-Esprit, lesquels nous donnent de nouveaux pouvoirs, de nouvelles facultés, en même temps qu’ils élèvent nos propres énergies afin que nous puissions, par elles, produire des œuvres surnaturelles, selon la motion de l’Esprit qui nous anime et confère à ces œuvres toute leur valeur et leur mérite. Toutes les autres vertus infuses, comme aussi les motions et les grâces actuelles que nous recevons, sont autant de dispositions ou de forces supérieures qui confortent notre faiblesse naturelle et nous aident à agir selon Dieu.
Cependant, le divin Consolateur ne se borne pas à nous rénover, à nous embellir, à nous enrichir ni à nous fortifier de ses grâces, de ses vertus et de ses dons précieux. Il va jusqu’à se communiquer et se livrer Lui-même, pour être comme le véritable principe supérieur de notre bonheur et de notre vie. L’esprit de Jésus-Christ veut être la véritable vie de toutes les âmes chrétiennes. Ainsi, à l’élévation et à la transformation que produisent en nous les dons surnaturels, s’ajoute une union ineffable avec Dieu lui-même. Le donateur vient avec ses dons. De même qu’en nous donnant l’être naturel il est demeuré avec nous comme auteur de l’ordre naturel – par essence, par présence et par puissance – de même, en nous donnant l’être surnaturel il demeure comme auteur de cet ordre, comme un père aimant, comme un ami fidèle, comme un véritable époux de l’âme et comme un hôte aimable, qui demeure en elle comme en son temple préféré où il trouve ses délices, et même comme un véritable principe de cette vie divine qu’il lui communique. De cette présence intime, de cette communication et de cette action vivificatrice résulte dans l’âme la grâce sanctifiante. Par elle, Dieu l’enrichit et l’embellit, la renouvelle et la laisse transformée et gracieuse jusqu’au plus profond de sa substance, en la pénétrant et en l’enveloppant comme peut le fait un feu pour le fer, ou comme un rayon de lumière sur un cristal très pur.
En même temps, il infuse en l’âme les vertus et les dons surnaturels, qui perfectionnent et transforment les puissances dans lesquelles ils s’enracinent, afin qu’ils produisent ainsi des fruits de vie éternelle. De la sorte, c’est elle qui, ainsi renouvelée, enrichie et transformée, agit déjà comme une fille aimée de Dieu, bien que toute la valeur et tout le mérite proviennent de la vertu de l’Esprit qui l’anime.
Tout cela s’éclaire beaucoup, comme l’a observé le P. Bainvel, par la comparaison de la greffe. « L’arbre greffé produit des fruits que lui seul ne produisait pas ; cependant, il les produit par le jus de la sève et de toutes ses énergies naturelles, comme s’ils étaient les siens ; la greffe les rend meilleurs, mais elle a besoin de la plante ; et l’on sait que la nature de celle-ci ne cesse pas d’influer sur la saveur du fruit ».
Les théologiens résument tout cela en disant que la grâce est en nous comme une seconde nature, dont les puissances opératives sont les vertus et les dons surnaturels.
Ainsi, contrairement à ce que supposent les protestants, c’est la nature elle-même qui, par la grâce et les vertus, est renouvelée et transformée, de sorte que par elles elle produit ce qu’elle était incapable de produire par elle-même. Pour les protestants, notre nature est essentiellement viciée et corrompue, et d’elle, même avec le secours de la grâce, rien ne peut sortir de bon. C’est pourquoi ils considèrent qu’est impossible et même inutile toute coopération de l’homme à l’acte surnaturel. La faute aurait alors pénétré plus profondément que la grâce, et celle-ci ne serait pas celle qui surabonde, comme l’enseigne l’Apôtre (Rom. 5,20). La réparation serait non seulement incomplète, mais nulle. En vain dès lors nous serait-il recommandé avec tant de constance d’accomplir de bonnes œuvres. A vouloir absorber la nature dans la grâce, ils en sont arrivés à l’extrême inverse. Ils ont laissé la greffe seule sans la plante, la grâce sans le concours de la nature, et ainsi la greffe divine s’est asséchée ou, plus exactement, n’a pas pu prendre dans des âmes impies (Sag. 1,3) qui ne veulent pas trouver leur rénovation dans l’Esprit et n’aspirent qu’à une justice nominale, imputée et fictive (Sag. 1,5), en sorte qu’ils ne peuvent retirer que des fruits naturels. Voilà pourquoi ils s’en sont tenus à un pur naturalisme, même s’ils continuent de s’appeler chrétiens et « chrétiens réformés ».
En revanche, dans tout le Nouveau Testament il nous est fréquemment parlé de la nouvelle vie que Jésus nous a apportée, pour nous remplir d’elle, et ainsi nous restaurer et nous vivifier avec lui. Dès le début de son Evangile, saint Jean nous montre la vie contenue dans le Verbe, comme une source infinie qui se répand à torrent sur « tous ceux qui croient en son nom et le reçoivent », car « il leur donne le pouvoir de devenir fils de Dieu ».
C’est ainsi que nous sommes passés de la mort à la vie (1 Jn 1,12). Non pas à une vie quelconque, mais à « la vie éternelle qui demeure en nous » (ibid. 3, 14-15). De sorte que, alors que nous étions morts, le Christ nous a donné la vie, en nous pardonnant nos péchés (Col. 2,13). C’est pour cela qu’est venu Jésus, pour que nous ayons la vie, et que l’ayons en abondance (Jn 10,10). Dieu nous a tellement aimés, qu’il nous a donné son Fils unique afin que nous ne périssions pas mais que nous ayons la vie éternelle (Jn 3, 16-17).
Ce principe de vie surnaturelle, qui nous est ainsi infusé, est appelé soit semence de Dieu, soit une participation de la nature divine, et constitue une filiation réelle (1 Jn 3,1,2,9 ; 2 P. 1,4). Ainsi, « la vie divine devient à l’âme, dit Bellamy, ce que celle-ci est au corps, et même quelque chose de plus. La distinction de nature n’empêche pas que la grâce soit réellement inhérente à l’âme justifiée. Jamais l’on ne prouvera que la justification, au lieu d’être une rénovation intérieure, soit – comme le veulent les protestants – une simple faveur extrinsèque de Dieu, une imputation conventionnelle des mérites de Jésus-Christ. Il y a en nous une véritable vie d’ordre supérieur à celui de la nature : l’Ecriture nous parle à chaque pas d’une rénovation spirituelle et d’une régénération (Eph. 4,23 ; Tit. 3,14), par laquelle le chrétien est constitué en justice, et possède en son cœur l’Esprit Saint ; il porte en soi le sceau, l’onction et même la participation de la nature divine (Rom. 5,19 ; 8,11 ; Jn 3,9 ; 2 Cor. 1,21-22 ; 2 P. 1,4). Soit ces expressions énergiques n’ont pas de sens, soit elles désignent, conformément à ce qu’enseigne le concile de Trente, quelque chose d’inhérent à l’âme régénérée ».
C’est ainsi que nous avons un être nouveau : « créés dans le Christ Jésus » (Eph. 2,10), « nés de Dieu » (Jn 1, 12-13). Tel est le principe vital qui demeure latent chez les petits enfants, pour devenir chez les adultes une source d’activité : « la grâce d’illumination et de justification est insérée dans les petits (…) elle leur donne le principe de la vie comme d’une manière latente, tandis que chez les adultes elle les porte à l’acte » (1).
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(1) S. Augustin, de peccat. remiss. L. 1, chap. 9.
ARINTERIANA
Paris - France | 2023 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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