LA VIE MYSTIQUE DE SAINTE THÉRÈSE DE L'ENFANT-JÉSUS (4)
Dès l'époque de sa Confirmation, nous voyons Thérèse en pleine possession du don de Force (1).
« Je reçus, dit-elle, ce jour-là, la force de souffrir, force qui allait m'être bien nécessaire, car le martyre de mon âme commença peu après. »
Si l'on veut connaître les dispositions et la compréhension extraordinaire qu'elle apporta à la réception de ce sacrement, il nous faut citer le témoignage d'une de ses sœurs : « Thérèse, dit celle-ci, reçut le Sacrement de Confirmation le 14 juin 1884. Les quelques jours qui précédèrent se sont particulièrement gravés dans ma mémoire. Elle, si calme d'ordinaire, n'était plus la même ; une sorte d'enthousiasme et de sainte ivresse perçait dans son extérieur. Un jour de sa retraite préparatoire où je lui manifestais mon étonnement de la voir dans ces dispositions, elle m'expliqua ce qu'elle comprenait de la vertu de ce Sacrement – de la prise de possession de tout son être par l'Esprit d'amour. Il y avait dans ses paroles une telle véhémence, dans son regard une telle flamme que je la quittai profondément émue. »
Presque aussitôt après sa Confirmation, Thérèse eut à déployer cette Force qu'elle venait de recevoir. Ce fut, d'abord, la lutte contre sa terrible tentation des scrupules et son extrême sensibilité, dont elle demeura enfin victorieuse. Puis il lui fallut surmonter tous les obstacles qui s'opposaient à son entrée au Carmel et, dans cette rude campagne, nous ne pouvons assez admirer la force et la persévérance dont elle fit preuve.
C'est encore le don de Force qui la fit demeurer ferme dans la voie entreprise, en dépit des épreuves et des contradictions. Dans sa vie religieuse on la vit toujours forte et souriante, sans faiblesse et sans plainte au milieu des plus grandes épreuves, comme dans toutes les souffrances du corps et de l'âme. « Quand même Dieu me tuerait, j'espérerais en Lui », disait-elle. Et encore : « Je ne trouve qu'une joie, ici-bas : celle de souffrir ».
Enfin, l'invincible patience qu'elle montra dans sa dernière maladie, alors que de terribles douleurs physiques venaient s'ajouter aux angoisses du dedans, est la dernière et la plus belle manifestation du don de Force dans cette âme que l'Église vient de déclarer héroïque.
Lorsque Thérèse entra au Carmel, nous la voyons, déjà, dans sa maturité spirituelle et ornée de lumières très supérieures, caractéristiques, non seulement du don de science, mais de celui d'intelligence (2). Elle-même nous le déclare, comparant ce temps de sa vie religieuse à celui de son adolescence, si comblé pourtant de saintes inspirations.
« À cet âge, dit-elle, je n'étais pas favorisée des lumières d'En-Haut comme je le suis aujourd'hui. »
Elle se hâte cependant d'ajouter : « Jésus me fit comprendre que la vraie, l'unique gloire est celle qui durera toujours et que pour y parvenir il n'est pas nécessaire d'accomplir des œuvres éclatantes... Il me fut révélé intérieurement que ma gloire, à moi, ne paraîtrait jamais aux regards des mortels, mais qu'elle consisterait à devenir une sainte. »
Ces lumières, qu'elle reconnaît donc abondantes, vont aller croissant chaque jour, dans la mesure même où son âme se sentira plus privée et plus plongée dans la ténébreuse nuit de l'esprit. Presque à son insu, elles lui dévoileront les sens cachés et les mystères de la Sainte Écriture, spécialement ceux qui se rapportent à l'état qu'elle a embrassé, aux desseins de Dieu sur elle et sur les âmes qui lui seront confiées, âmes auxquelles elle devra tant s'intéresser sur la terre, d'abord, et, plus tard, au ciel. Aussi pouvait-elle dire : « la nuit est ma lumière » (3).
Même dans l'obscurité, elle se sent l'instrument de Jésus, le pinceau dont II veut se servir pour peindre sa divine Image dans les âmes. D'autres fois, au plus fort de ses folies d'amour, qui lui font désirer d'être prêtre, missionnaire et martyr, faire et souffrir pour Jésus tout ce qui est possible en ce monde, elle découvre, avec cette lumière d’Intelligence, que, dans le corps mystique de la sainte Église, elle ne peut être aucun des membres décrits par saint Paul (1 Cor. 12). C'est la charité qui lui donne la clef de sa vocation : « Oui, écrit-elle, j'ai trouvé ma place au sein de l'Église, et cette place, ô mon Dieu, c'est vous qui me l'avez donnée : dans le cœur de l'Église ma mère, je serai l'amour ».
Sa mission est d'aimer et de souffrir en silence, pour tous ceux qui n'aiment pas et surtout pour ceux qui ont tant à agir, à parler et à briller en des ministères très importants, c'est-à-dire pour les missionnaires et les prêtres, dont le zèle laborieux correspondra, sûrement, aux bienfaisants élans vitaux qu'ils recevront de ce cœur mystique
Le don de conseil. Nous ne dirons qu’un mot du don de conseil qui brilla pourtant d’un si vif éclat dans cette jeune sainte illuminée des clartés d’En-Haut et à laquelle le Seigneur donnait l’expérience des années (4).
Ce don se révéla d’une manière non moins admirable que précoce dans la charge de maîtresse des novices qui lui fut confiée à l’âge de vingt ans.
Hâtons-nous de dire qu’elle ne le fit fructifier au dehors qu'après l’avoir d’abord attiré en elle-même, puisant la Sagesse à sa vraie source et ne cherchant qu’en Dieu seul les lumières et les conseils dont elle avait besoin. Ce fut assurément là le secret de ses conquêtes et de l’immense bien qu’elle fit autour d’elle, distribuant sans compter les biens qu’elle avait si libéralement reçus.
Que de réponses prudentes et sages elle a donné à ses novices ! cela sans avoir besoin de penser ni d’étudier, mais poussée toujours par cet instinct supérieur qui la dirigeait et la faisait s'adapter, avec une admirable souplesse, aux besoins, comme à la nature particulière de chaque âme. Plusieurs fois, même, elle parut douée de la pénétration des esprits et révéla aux âmes leurs plus secrètes pensées.
Le don de sagesse. Thérèse prouva qu'elle possédait en plénitude le don de Sagesse (5). Toute sa vie, toute sa voie n'est que la manifestation de ce don, et c'est bien à elle que peut s'appliquer la parole des Saints Livres : « De bonne heure, elle chercha la Sagesse et la trouva attendant sur le seuil de sa porte » (Sag. 6,15).
Grâce à ce don infus elle put, dès l'âge de cinq ans et demi, saisir et goûter le sens de toutes les instructions. Déjà, elle commençait à pressentir les ineffables douceurs que Dieu réserve à ceux qui L'aiment, et elle se disposait à les mériter par la souffrance. Cependant elle le déclare plus tard : « Je devais passer par bien des creusets, avant de goûter les fruits délicieux de l'abandon total et du parfait amour ».
Nous connaissons son irrésistible attrait pour la Sainte Eucharistie et comment l'attente de sa première communion lui fut un vrai martyre.
Mais en ce beau jour, elle goûta pleinement le don de Dieu : « Ah ! s'écria-t-elle, qu'il fut doux le premier baiser de Jésus à mon âme ! Oui, ce fut un baiser d'amour ! Je me sentais aimée et je disais aussi : Je vous aime... Depuis longtemps, déjà, Lui et la petite Thérèse s'étaient regardés et compris...
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(1) « Le don de force » nous communique un courage insurmontable pour entreprendre, sous l'impulsion divine, et achever avec succès des œuvres supérieures à notre capacité II nous donne le courage de souffrir pour l’amour de Dieu n'importe quelle épreuve sans jamais nous décourager.
(2) « Le don d’intelligence » nous fait pénétrer le sens des vérités surnaturelles, déchirant en quelque sorte le voile du mystère et découvrant l’esprit caché sous la lettre.
(3) « Nox illuminatio mea » (Ps. 139,11). Cette « nuit de l'esprit » est une obscurité mystérieuse causée par le même excès de lumière divine qui fait sentir à l'âme le contraste entre son propre rien et la grandeur de Dieu et lui fait souffrir un tourment purificateur comme la peine du dam dans le purgatoire.
(4) Le « don de conseil » nous permet de connaître, comme par un instinct divin et par une certaine lumière surnaturelle, ce que Dieu réclame de nous, ou ce qu’il nous est convenable de faire dans des cas rares et difficiles, auxquels les secours ordinaires de la prudence ne suffisent pas.
(5) Le « don de sagesse » nous donne une haute connaissance expérimentale de Dieu et des mystères de la grâce et, par une certaine connaturalité à l'ordre divin [« per quandam connaturalitatem ad divina »], nous permet de juger sainement des choses saintes ainsi que de tout ce qui peut intéresser notre âme.
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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