LES DONS DU SAINT-ESPRIT (2)
Si l’Esprit Saint n‘intervenait jamais par ses dons, il ne serait pas Lui-même le régulateur immédiat de notre vie surnaturelle. L’absence de cette régulation explique, à l’inverse, l’obscurité de notre foi et même les déficiences de notre charité, parce qu’elle reste régulée par une connaissance obscure. « L’Esprit-Saint veut être prisonnier des imperfections de notre amour », dit le P. Gardeil. Il « élève le juste milieu des vertus morales à la hauteur de la fin surnaturelle, mais il ne le supprime pas ». Il s’agit toujours pour nous de « rechercher ce juste milieu, par rapport à la fin divine, telle qu’elle est manifestée par la foi, désirée par l’espérance et aimée par la charité ; ce qui est le rôle de la prudence infuse. Il s’agit aussi de réaliser, dans le domaine des actions volontaires et des passions, ce juste milieu vertueux déterminé par la prudence, ce qui incombe à la justice, à la force et à la tempérance. Tout cet ordre moral pratique est régulé par la prudence, tout comme celui de la conscience et des intentions est régulé par la foi. L’obscurité et le juste milieu sont, donc, les deux voiles derrière lesquelles l’Esprit divin cache son action ».
Cependant, Il ne la cache pas toujours ainsi car sa propre ardeur l’incline souvent à montrer sa main bienveillante, voire à découvrir son divin visage. Notre pauvre raison, même lorsqu'elle dispose de ce noble cortège et de ces forces glorieuses des vertus surnaturelles, ne suffit pas pour nous conduire avec sécurité au port. Elle ne suffit pas à surmonter les obstacles les plus difficiles, à vaincre les difficultés extraordinaires, à découvrir et à éviter les pièges cachés que nous tendent à toute heure nos ennemis astucieux. Elle est plus impuissante encore à nous élever assez pour nous permettre d’atteindre les sublimes sommets de la perfection, sur lesquels brillent les splendeurs de la lumière éternelle.
L’amoureux Consolateur - qui demeure ordinairement caché en nous, où il nous vivifie par sa grâce et réchauffe notre charité - sait, peut et veut remédier à notre faiblesse native, suppléer à nos déficiences et corriger nos ignorances. A cette fin, il nous inspire, nous meut, nous pousse, nous conseille, nous dissuade, nous encourage, nous retient, nous apprend à prier et à agir comme il convient, et il demande et agit en nous et par nous. Tout cela, il le fait quand il le veut, et comme il le veut, tout au long du processus de notre vie spirituelle. De notre côté, nous sentons son souffle très doux, sa délicate impulsion, mais sans nous rendre à peine compte de qui il vient ni où il nous porte.
Il sait et veut également, à certaines occasions - selon son bon plaisir et lorsque les circonstances ou le cours de notre déification le réclame - prendre immédiatement en mains les rênes de notre gouvernement, suppléer à notre grand avantage la direction et les normes de notre raison, et se manifester plus ou moins clairement, non plus comme emprisonné dans notre charité, mais tel qu’il est et tel que l’Église l’acclame : comme véritable Seigneur, comme notre Vivificateur, qui veut agir par nous et par tant d’autres organes qui sont les siens, ainsi qu’il daigna le faire en parlant par ses saints prophètes. Cela, il le fait avec les uns plus tôt, avec les autres plus tard, selon son bon vouloir. Cependant, ce que l’on peut dire, c’est qu’il le fait quasi normalement lorsque l’orientation de notre vie, fidèle à la grâce, nous conduit à donner tout ce que nous pouvons de nous-mêmes, autant que le permettent les lumières et les forces divines que l’on a assimilées. Ce degré de la vie spirituelle est, à son sommet, ce que l’on appelle l’union de conformité. Pour parvenir à une plus grande perfection, il est nécessaire que l’Esprit-Saint lui-même nous dirige et nous meuve (1).
Ainsi, lorsque l'âme atteint cet état heureux où, ayant brisé les liens de ses passions et tous les liens terrestres qui l'asservissaient, elle commence à jouir de la douce liberté des enfants de Dieu. En vivant en toutes choses selon l'Esprit, elle n’a alors d'autre volonté que la volonté divine. Étant morte à elle-même et ayant remis toute sa volonté à Dieu, elle est agréablement surprise de constater qu'elle est en train de vivre une vie bien supérieure à la sienne et que Dieu, en daignant accepter à présent son abandon sincère et total, qu'elle a si souvent pratiqué, devient amoureusement son maître absolu.
Elle ressent alors souvent des impulsions violentes et très douces, qui la conduisent sans qu’elle sache où mais sûrement, vers des hauteurs pour lesquelles la lumière, la force d’une direction spirituelle ordinaire ne suffisent pas. Elle ressent des élans d'amour qui la blessent et ouvrent en elle des plaies, comme s'ils s’agissait de flèches pénétrantes du feu divin, qui la guérissent et la vivifient, en même temps qu’elles la brûlent, en détruisant par leur ardeur tout ce qui peut encore rester de terrestre en elle. Elle se voit alors comme contrainte de voler sans savoir encore qu'elle a des ailes, et dans la détresse et la purification où elle se trouve, elle désire avec une soif immense, et lui est donné le sens de toutes ces choses, elle invoque et l’Esprit de Sagesse vient sur elle, qu’elle préfère dès lors à tous les royaumes et à tous les trésors du monde (Sag. 7, 7-8).
Elle voit ainsi clairement que ce bon Esprit de Dieu la conduit au port du salut (Ps. 142, 10) et qu'il la vivifie et lui enseigne à faire la volonté divine en toutes choses. Et tandis qu'elle demandait des ailes comme celles d'une colombe pour voler et se reposer, elle s'aperçoit qu’il lui a été donné bien plus que ce qu'elle avait demandé car elle est à présent pleine de force et qu’elle a d'autres ailes, bien plus vigoureuses, pour s'élever comme un aigle vers les régions élevées et sereines de la lumière divine, pour voler et voler encore, sans jamais défaillir, en vivant désormais toujours absorbée dans ces hauteurs éthérées de douceurs infinies (2).
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(1) «L’homme parfait, dit le P. Jean-Joseph Surin, S. J. (1600-1665), est celui qui ayant acquis une grande pureté de coeur, avec une véritable union et une familiarité avec Dieu, suit en toutes choses les mouvements de la grâce et la direction de l’Esprit Saint » (Catéchisme spirit. I P. chap. 1).
« C’est dans l'âme où subsiste le moins d’appétits et de goûts propres que [Dieu] demeure plus seul et plus volontiers, qu'il se considère davantage comme chez lui, c'est là également qu'il se plaît à commander et à diriger et où il vit d'autant plus dans le secret qu'il est plus seul.(…) Il tient [l’âme] dans un embrassement d'autant plus étroit, intime et profond qu'elle est plus purifiée et éloignée de tout ce qui n'est pas Dieu. (…) Ce n'est pas néanmoins un secret pour l'âme qui est parvenue à cet état de perfection, qui sent toujours en elle-même cet embrassement intime, mais elle ne le sent pas toujours au degré des réveils divins dont nous avons parlé. Quand, en effet, un de ces réveils a lieu, il semble à l'âme que le Bien-Aimé qui était comme endormi dans son sein sort de son sommeil. (…) Oh ! qu'elle est dont heureuse, cette âme qui sent toujours que Dieu est là, se reposant en elle, et incliné sur son sein ! Oh ! comme il lui est avantageux d’avoir renoncé à tout, de fuir les affaires et de vivre dans une immense tranquillité, dans la crainte que le plus petit atome, ou la moindre agitation ne vienne inquiéter et troubler le sein du Bien-Aimé. Il se tient d'ordinaire comme endormi dans l'embrassement de son Épouse, au fond même de la substance de son âme ; elle sent très bien sa présence et ordinairement elle en jouit, car si l'Époux se tenait toujours à l'état éveillé, en lui communiquant de nouvelles connaissances et un amour toujours plus intense, ce serait pour elle l'état de gloire. (…) Dans d'autres âmes, qui ne sont pas arrivées à ce degré d’union [de mariage spirituel], il habite sans répugnance parce qu'elles sont en état de grâce. Mais comme elles ne sont pas encore bien préparées à cette union, s'il demeure en elles, ce n’est qu'en secret, parce qu’ordinairement elles ne sentent pas sa présence » (s. Jean de la Croix, La vive flamme d’amour, chant 4, v. 3). Cependant, observe saint Jean d’Avila (1499-1569), « l'Esprit Saint a cette condition qu'il ne peut demeurer caché ; et il témoigne lui-même, si vous avez Jésus-Christ en vous ; il dit dans l'Évangile (Jean, 14) : "le Paraclet, l’Esprit-Saint, que mon Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (De l’Esprit Saint, tr. 1).
(2) « Ceux qui mettent leur espérance dans le Seigneur trouvent des forces nouvelles ; ils déploient comme des ailes d’aigles, ils courent sans se lasser, ils marchent sans se fatiguer » (Isaïe, 40, 31).
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
« Vous qui êtes ici, dites un Pater à mon profit.
Pour moi ferez beaucoup et vous n’y perdrez mie. »
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