LES DONS DU SAINT-ESPRIT (1)
Le texte suivant est tiré de l’ouvrage La Evolución mística, pp. 196 ss.
C’est à genoux qu’il conviendrait de le lire.
Il nous présente en effet ce que chacun de nous a normalement vocation à devenir pour être digne des dons reçus de Dieu dès le baptême, parce qu’il y est appelé sur une route commune qui s’appelle le chemin de la sainteté.
Mère María Amparo, fondatrice du monastère de Cantalapiedra, et fille spirituelle du P. Arintero, raconta ceci : « Un jour, Jésus m’est apparue avec un accent d’une infinie tendresse : “Si les créatures me laissaient faire, je les comblerais de bienfaits et je ferais d’elles de véritables merveilles, mais l’immense majorité me ferment les portes de leur cœur” ».
Ce texte nous ouvre ces merveilles. Inspirées par l’expérience d’un grand directeur spirituel, qui ne parlait que de ce qu’il connaissait, ces lignes nous exposent l’immensité de ce que Dieu offre à chacun de nous en échange, si l’on peut dire, de notre générosité, ce qui nous fait trembler pour notre médiocrité, mais nous ouvre aussi le regard sur les incroyables attentes amoureuses de Dieu.
Être chrétien, oui, ce n’est rien moins que de s’engager dans ces voies, qui sont dans la « logique » vivante de la grâce sanctifiante.
L’union à Dieu, à laquelle sont ordonnés les dons du Saint-Esprit ainsi décrits, passe par des paliers de purification dont nos expériences les plus modestes nous font aisément comprendre la nécessité. La description faite de cet état où l’âme « ressent des élans d'amour qui la blessent et ouvrent en elle des plaies, comme s'ils s’agissait de flèches pénétrantes du feu divin, qui la guérissent et la vivifient, en même temps qu’elles la brûlent, en détruisant par leur ardeur tout ce qui peut encore rester de terrestre en elle » donne à penser que le Purgatoire, sur lequel les théologiens ne cessent encore de s’interroger, n’est peut-être lui-même que cela, au-delà de la mort physique, que les saints vivent quant à eux en-deçà.
Puisse le lecteur tirer le plus grand profit de ces lignes. Elles ont été écrites pour lui, par un saint dominicain qui n’eut d’autre souci que de faire partager les immenses richesses que son apostolat et sa vie personnelle lui faisaient toucher du doigt. « Si tu savais le don de Dieu… » ❧
Dans la mesure où il est un être rationnel, l’homme est maître de ses actes. Il peut donc se déterminer dans son propre domaine - « pour une certaine fin, et en son ordre » (1) - pour faire ceci ou cela. C'est pourquoi ses actions sont susceptibles d'être morales, dans la mesure où elles sont libres. Cependant, le libre arbitre ne suffit pas pour procéder en toutes choses avec la rectitude désirable. Pour que les facultés humaines soient ordonnées au bien, pour pouvoir le pratiquer promptement, facilement et avec constance, il est nécessaire que ces facultés soient perfectionnées chacune par des « habitus » vertueux qui les rendent dociles aux impératifs de la raison. C’est ce que font, dans l’ordre naturel, les vertus acquises, et dans l'ordre surnaturel, les vertus infuses. Ainsi, la raison elle-même - seule, ou éclairée par la foi et dirigée par la prudence chrétienne - est, à la fois, le moteur et le régulateur de notre vie morale, qu'elle soit purement humaine ou qu’elle soit chrétienne, en son sens ordinaire, par opposition à la vie spirituelle ou « pneumatique ».
Dans la vie chrétienne ordinaire - ou « psychique » - les valeurs théologales, comme nous l'avons vu, nous ordonnent à Dieu comme à notre fin ultime. La prudence infuse nous permet de réguler les actes particuliers de nos vies selon un juste milieu. Les autres vertus infuses perfectionnent, complètent et transfigurent les vertus naturelles, de telle sorte que sous l’influx continu de la grâce nous puissions agir en toutes choses avec rectitude, en paix avec nos frères et avec nous-mêmes, en surmontant les obstacles qui s’opposent à notre marche vers le Ciel. Cependant, malgré cette grâce de Dieu, qui nous inonde de l'intérieur et de l'extérieur et nous vivifie, malgré tant de vertus, d’énergies et d’influences divines, qui nous confortent pour faire le bien, c’est toujours notre raison qui semble réguler notre marche, régnant en maîtresse sur le cours de notre vie. Dieu demeure réellement comme un Père aimant, et comme un Roi et un Seigneur à l’intime de nos âmes, qui sont ses temples, et il les vivifie par sa grâce. Cependant, sa présence adorable se soustrait au regard de notre conscience, comme s’y soustrait d’ailleurs la présence de notre âme elle-même. L’action qu’il exerce en nous par les vertus infuses que nous avons assimilées, pour les pratiquer, nous est elle aussi cachée.
Ainsi, même si nous sommes pleins de vie et d'énergies divines, nous ne pouvons pas, « sans une révélation spéciale » (2), savoir avec une certitude totale si nous sommes dignes d’amour ou de haine, si nous sommes en état de grâce ou si nous sommes dans un état d’inimitié à l’égard de Dieu.
Cela, l’homme l’ignore. Seul l’Esprit qui pénètre tout le sait, qui peut, quand il lui plaît, rendre témoignage de cette vérité (3).
Quant à nous, nous pouvons seulement en nous assurer moralement par différents signes : la tranquillité de notre conscience, notre horreur du péché, notre amour de la vertu, du sacrifice ou d’autres choses saintes, notre conformité à la volonté divine et notre résignation à la Providence (4). En revanche, à moins que Dieu lui-même ne nous le montre divinement, nous ne pouvons pas savoir avec une sécurité totale que nous sommes en état de grâce. Il habite en nous non seulement comme un Dieu caché (Isaïe 45,15), mais aussi comme un Dieu prisonnier d’amour. Nous pouvons disposer de ses dons et de Lui-même, des grâces et des vertus qu’il nous communique, comme s’ils étaient les nôtres, parce que, selon l’expression énergique de saint Thomas, l’Esprit Saint nous est donné dans le don même de la grâce sanctifiante, afin que nous jouissions librement de Lui. Et pourtant, nous pouvons user de ces trésors sans même nous rendre compte de ce que nous les possédons.
« L’Esprit Saint, qui demeure dans la charité, observe le Père Gardeil (pp. 11,16), agit en nous en conformité avec les vertus humaines, en s’adaptant à la manière d’agir de nos facultés. Ainsi, le juste, enrichi par les vertus infuses, demeure le véritable et principal auteur de ses opérations surnaturelles. C’est lui qui dirige les mouvements de son intelligence et de son coeur ; et sa raison continue de diriger toute sa psychologie surnaturelle. Par les vertus, l’Esprit divin pénètre dans nos puissances à la fois fortement et suavement, comme un feu chauffe de manière insensible, comme une lumière éclaire sans manifester le foyer dont elle émane, comme une huile se diffuse sur les membres en adoucissant les articulations et en fortifiant les jointures. Cependant, rien n’est changé dans notre façon ordinaire de fonctionner, même si tout a changé en raison de la fin à laquelle nous tendons et de la force avec laquelle nous y aspirons. Ainsi est l’oeuvre de l’Esprit Saint, telle qu’elle s’exerce par le moyen des vertus ».
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(1) Saint Thomas d’Aquin, Somme de théologie, Ia IIae, q. 9, a. 4, ad 3.
(2) Cf. C. Trident. S. 6, c. 9.
(3) 1 Cor. 2, 10-12 ; Rom., 8,16.
(4) « Trois signes nous permettent de conjecturer avec fondement que la grâce de Dieu est en nous. Le premier est le témoignage de notre conscience (2 Cor. 1,13). (…) Un second signe de la présence de la grâce est d’entendre la parole de Dieu, non par pure curiosité, mais avec un sincère désir de la mettre en pratique "Celui qui est de Dieu, dit en effet Notre Seigneur, écoute les paroles de Dieu." (Jean, VIII, 47). (…) Un troisième signe est une suavité intime que la sagesse divine produit en nous, et qui est l’avant-goût de la béatitude future. "Goûtez et voyez, dit le Psalmiste, que le Seigneur est doux à notre âme par sa grâce." (Ps. XXXIII, 9) ». Tiré de Opuscule 61, L. III, chap 2 (NdT : attribué, mais faussement, à saint Thomas d’Aquin).
ARINTERIANA
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Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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