LA SINGULIÈRE IMPORTANCE DE L'EUCHARISTIE (3)
« Par instinct, et par une sorte d’intuition infaillible, ils comprenaient - dit Bellamy - que tout le monde surnaturel gravite ici-bas autour du soleil eucharistique, centre universel d’attraction des âmes qui veulent vivre de la grâce. C’est ainsi que, sans oublier les autres sacrements, ils cherchent de préférence dans la sainte communion le secret de cette ressemblance et cette union qui constituent l’essence même de la vie surnaturelle. Désireux avant tout d’imiter Jésus-Christ et graver son image au fond de leur âme, les saints pensaient, avec raison, que le meilleur moyen de parvenir à la reproduction du sublime modèle était de s’approcher de Lui par le sacrement de son amour, afin d’être formés plus directement par la main et le cœur du divin Artisan » (pp. 266-268). Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que les saints se ressemblent tellement, puisqu’ils sont comme des copies d’un même Exemplaire éternel qui vient, en personne, imprimer en eux son image divine (1).
Les liens très doux qui nous unissent au Fils étant ainsi rendus plus étroits dans ce sacrement d’amour, les liens qui nous unissent au Père et au Saint-Esprit se resserrent également. En effet, l’âme sainte étant à la fois fille de Dieu le Père, épouse du Fils et temple de l’Esprit divin, plus l’une de ces relations augmente, et plus les autres augmentent. Plus nous participons de l’image du Verbe et de la plénitude de vie qui demeure en Lui, et plus nous participons de la nature du Père, et plus nous sommes ses fils, et plus encore nous participons de l’amour, de la grâce, de la sainteté et de la communication de l’Esprit qui demeure dans les âmes, comme principe immédiat de vie et de sanctification.
« Il s’ensuit, comme le souligne l’auteur précité [Bellamy, pp. 266-268], que notre propre filiation divine n’atteint toute sa plénitude que par le sacrement qui donne la plénitude de la vie. Il convenait, en effet, que cette filiation reçoive de Jésus-Christ complet son expression la plus achevée ; car, comme fils de Dieu par nature, la prérogative lui appartient de voir modelés à son image tous ceux qui deviennent fils de Dieu par grâce ». C’est pourquoi, dit saint Cyrille d’Alexandrie, « nous ne serions pas fils adoptifs de Dieu sans celui qui, étant véritablement son fils par nature, nous sert d’archétype pour nous former à sa ressemblance ».
C’est dans ce sacrement que le Verbe incarné communique directement à l’âme juste quelque chose de sa double nature, car il nous fait participer de la nature divine, en même temps que nous recevons l’humaine.
Il est certain que son Humanité sacrée influe également sur les autres sacrements ; mais « l’eucharistie joint étroitement le chrétien au Christ, elle ajuste la copie au modèle, et elle unit sans intermédiaires l’âme humaine au corps et au sang du Sauveur ; voilà pourquoi notre âme, étant plus parfaitement possédée par l’Époux divin, reçoit dans cette union mystérieuse et ineffablement resserrée comme un nouveau trait de la filiation divine, car elle est davantage marquée par l’effigie du Christ ».
Dès lors que toute augmentation de grâce s’accompagne d’une plus grande effusion de l’Esprit divin, il est clair que là où la vie de la grâce augmente, doit augmenter proportionnellement la communication de l’Esprit vivifiant. Celui-ci, par ailleurs, réside pleinement en la sainte Humanité de Jésus-Christ, comme en sa demeure de prédilection, où il prend toutes ses complaisances. Cependant, là, « il attend (...) de consommer l’œuvre d’amour, qui est d’unir la Tête aux membres, le Christ au chrétien. En communiant, dès lors, au corps et au sang du Sauveur, nous resserrons doublement les liens qui nous unissent à l’Esprit Saint, parce que notre participation à l’Eucharistie réalise tous ses désirs, en même temps qu’elle nous unit à sa Personne divine, éternellement fixée dans l’Humanité de Jésus ».
Il existe encore une autre relation notable, qui se fortifie et se resserre singulièrement dans cet admirable sacrement, et cette relation est celle que nous avons avec la Très sainte Vierge, « Mère du bel amour » et Mère de la divine grâce. Si, à mesure qu’augmente cette dernière nos liens avec la sainte Vierge grandissent, cela est encore plus vrai lorsque cette grâce nous est directement communiquée par la sainte chair née de cette Dame bénie. C’est précisément ce qu’a de spécial l’Eucharistie, en nous faisant participer de la nature divine par l’intermédiaire de la chair et du sang du Sauveur. Car ce qui véhicule directement la vie divine n’est pas, dans ce sacrement, l’âme de Jésus-Christ, mais son corps adorable et son sang précieux, comme la liturgie elle-même le met en relief, en disant : « Le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ te garde pour la vie éternelle ». Par cette très sacrée chair immolée, le Fils de Dieu veut sauver, sur l’autel comme sur la croix, la chair perdue et corrompue (2). Ainsi, « l’un des aspects mystérieux de l’Eucharistie consiste précisément dans cette transmission de la vie par la mort, étant donné qu’ici la vie divine nous est communiquée par le corps adorable du Christ, que nous recevons en l’état de victime ».
On voit ainsi comment la Très sainte Vierge ne peut être étrangère à cette augmentation de vie que nous recevons par l’Eucharistie, puisque c’est elle qui nous a donné, dans le double mystère de la crèche et de la croix, le corps et le sang de Jésus-Christ. « N’est-ce pas d’elle que nous tenons tous ces merveilleux instruments de la vie divine ? L’Eucharistie est donc son bien de nature, sur lequel cette incomparable Mère conserve tous ses droits. On peut dire d’une certaine manière que c’est elle qui nous donne l’aliment divin de nos âmes. Elle est là certainement, dans sa condition de Mère, toujours prompte à communiquer la vie de la grâce à ses enfants d’adoption. Et, chose notable, par le Fils de ses entrailles elle alimente les fils adoptifs : tellement il est certain qu’elle fut faite Mère de Dieu pour l’être des hommes. En recevant la communion, on observe, mieux qu’en tout le reste, combien la Très sainte Vierge est étroitement associée au grand œuvre de la vie surnaturelle » (Bellamy, 1 c. pp. 270-271).
Il n’est pas étrange que les hérétiques qui rejettent le dogme de l’Eucharistie dédaignent tant cette très tendre mère. Il ne l’est pas davantage, à l’inverse, que toutes les âmes qui trouvent leurs délices dans la sainte communion l’aiment et la révèrent comme une très tendre Mère. L’amour du très saint Sacrement va de pair avec celui de la Vierge très pure. Tous ceux qui se distinguent dans l’un de ces amours se distinguent aussi en l’autre.
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(1) « La fréquente communion, observe le très dévot P. Lallement (pr. 4, c. 5, a. 1), est un excellent moyen de perfectionner en nous les vertus et d’acquérir les fruits de l’Esprit Saint ; parce que, en unissant son corps au nôtre et son âme à la nôtre, il embrase et consume en nous les racines des vices, et nous communique peu à peu son divin tempérament et ses perfections, selon que nous nous y disposons et que nous nous laissons réformer ». « Je m’émerveillai de voir les effets de ce feu du véritable amour divin. (...) On dirait qu’un tel feu consume les fautes, la tiédeur et la misère du vieil homme (...). L’âme se retrouve tout autre, animée de nouveaux désirs et d’une très grande force. Elle ne paraît plus être la même, mais s’engage avec une pureté nouvelle sur la vie du Seigneur » (Vie, c. 39).
(2) « Tout ce qui s’est passé au Calvaire se répète constamment sur l’autel. L’autel est tous les jours le mont de la douleur, du sang, du sacrifice et de rédemption » (Monsabré, Méditation sur le rosaire, t. 2, p. 258). Nous voyons à avec quel amour et quelle vénération nous devons assister au saint sacrifice, où se perpétue l’œuvre de notre rédemption, et avec quelles affections nous devons nous associer là au Sauveur pour que son Sang soit profitable, pour nous et pour tous. - cf. Emmerich, Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ, t. 1, introd. § 4.
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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