LA SINGULIÈRE IMPORTANCE DE L'EUCHARISTIE (4)
Si les plus grandes faveurs de la vie mystique sont généralement reçues durant la communion, la Vierge intervient quasiment dans tous les cas, à laquelle les véritables mystiques recourent comme à une Mère très pieuse dans toutes leurs nécessités, leurs difficultés et leurs obscurités. Même si elle n’avait pas reçu de l’Église les titres qu’elle lui donne, de « trône de la Sagesse » et de « Mère de la grâce et de la miséricorde », celui de Mère du Seigneur, ou de Mère par excellence que lui donnaient les évangélistes suffirait, comme aussi celui de Mère du bel amour et de la sainte espérance que lui donnent les cœurs éclairés.
Comme œuvre maîtresse de la charité du Sauveur, le fruit principal que produit l’Eucharistie dans les âmes bien disposées est une grande augmentation de charité, non seulement habituelle, mais également actuelle, et cette charité actuelle produit à son tour l’union intime, la transformation et les fruits secondaires qui en résultent.
Ceux-ci sont la rémission du péché véniel, et parfois - per accidens - du péché mortel, la correction des fautes et des imperfections, la rémission de la peine temporelle, la ferveur, la joie et la douceur, la pureté, la modération de la concupiscence, la promptitude au bien, le feu des saints désirs, etc., tout ce qui est l’effet de l’augmentation de la charité. Pour cette raison, il est très important de bien se disposer à recevoir cet adorable sacrement avec tout l’amour et la simplicité possibles, afin de ne pas empêcher, mais au contraire de favoriser la production de fruits tellement riches. Si ceux-ci s’avèrent faibles, c’est le signe que nos dispositions sont très défectueuses.
Le fruit produit dans les corps apparaît bien dans la vie des saints qui ont été le plus visiblement configurés à Jésus-Christ. De sa chair très sainte dimane et se répand en nous par redondance une vertu qui guérit nos infirmités et remédie à nos faiblesses (1). Si cette vertu se traduit tant de fois chez les saints par certaines splendeurs divines, des arômes célestes, etc., chez les autres, l’effet ordinaire du sacrement est de refréner la concupiscence, soit par l’augmentation de la charité, qui régule toute la vie, soit parce qu’elle nous donne la force de la vaincre, en nous faisant respirer un air du ciel qui l’atténue (2).
« Qui est-ce qui pourra supporter les démangeaisons dévorantes de cet antique ulcère ? [le péché] dit saint Bernard (Sermon pour le Jeudi Saint, n. 3). Ne désespérez point de le pouvoir, car nous avons pour cela aussi, une grâce qui nous aide et nous rend parfaitement sûrs du succès : c’est le sacrement où nous recevons le corps et le sang précieux de Notre-Seigneur. Ce sacrement produit deux effets en nous : en premier lieu il affaiblit la concupiscence dans les petites choses, et, dans les grandes, il nous empêche d’y consentir. Si donc, il y en a parmi vous qui ressentent moins souvent et moins fort les mouvements de la colère, de l’envie, de la luxure et des autres passions pareilles à celles-là, qu’ils en rendent grâces au corps et au sang de Notre-Seigneur, car c’est un effet de la vertu de ce sacrement dans son âme, et qu’il se réjouisse en voyant que son dangereux ulcère approche de sa guérison complète ». « L’eulogie sacrée qui doit nous délivrer de la mort, disait saint Cyrille (L. 4 in joan. 6,57), est également un remède efficace contre nos infirmités. Jésus-Christ étant en nous, il calme en nos membres la loi de la chair, il mortifie les passions turbulentes, il vivifie notre amour de Dieu et guérit tous nos maux ». C’est la raison pour laquelle l’Eucharistie est appelée, avec tant de raison, le « remède de nos blessures » et le vin qui fait croître les vierges (Zach. 9,17).
En purifiant, en rectifiant et en guérissant notre chair, l’Eucharistie est en elle un élément qui la préserve de la corruption et qui constitue un germe et un gage de résurrection (3). La participation à cet admirable sacrement communique aux corps humains une splendeur divine qui persistera éternellement et donnera une grâce singulière aux justes qui l’auront reçu le plus fréquemment (4).
Voilà pourquoi nous devons nous encourager nous-mêmes à recevoir quotidiennement ce sacrement, avec la plus grande ferveur et la plus grande pureté possibles, parce que l’augmentation de santé et de force, de charité, de grâces et de fruits de vie est proportionnelle aux dispositions et à la fréquence avec lesquelles nous le recevons. De la sorte, nous parviendrons véritablement à vivre dans le Christ, nous comprendrons ce que signifie être bien incorporés à Lui, et nous nous enflammerons de vifs désirs de parvenir au plus tôt à une union et à une possession les plus pleines possible.
« Les fidèles - dit saint Augustin (Tr. 36, in Ionan., n° 13) - connaissent le corps du Christ, s’ils ne négligent pas de lui appartenir. Ils deviennent le corps du Christ, s’ils veulent vivre de l’Esprit du Christ ; parce que personne ne vit de son Esprit, s’il ne fait pas partie de son corps ».
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(1) « Parfois, après la réception de la communion, dit le P. Surin (Catéchisme spirituel de la vie spirituelle, p. 7a, c. 8), l’âme sent Jésus-Christ qui est comme diffusé en elle, lui communiquant sa propre vie pour qu’elle puisse agir en tout pour Lui (...). Elle sent cette communication de vie dans sa façon de parler, d’agir, de prier et en tout, lui faisant apparaître que même dans les actions naturelles elle est animée et appuyée par Lui ». Saint Raymond écrivait de sainte Catherine de Sienne (Vie, p. 2, 1) qu’elle « sentait d’une manière extraordinaire le désir de la sainte communion, nous seulement pour unir son âme à l’Époux, mais aussi pour unir son corps au corps divin (...), lequel alimente celui qui le reçoit ».
(2) « Les âmes qui vous reçoivent dignement, dit sainte Madeleine de Pazzi (p. 1a c. 9) voient tomber devant Vous, par l’effet de votre présence, tous les mauvais désirs et toutes les habitudes désordonnées de leur vie passée, et au lieu de tant d’idoles qu’elles adoraient avant par leurs péchés, elles élèvent autant de nouveaux autels pour vous adorer en chacune de leurs puissances ».
(3) « Alimentée par le corps et le sang du Seigneur, notre chair, dit saint Irénée, devient incorruptible, elle participe de la vie et obtient l’espérance de la résurrection ».
(4) C’est une opération admirable de la Sagesse - ajoute sainte Madeleine de Pazzi (ibid., c. 21) - que « la glorification et l’exaltation de tant d’âmes transformées en Dieu par leur union intime avec le Verbe dans le très saint sacrement de l’autel (...), si fréquenté par les fidèles de l’Église primitive. Par cette union, le Sauveur voulait déifier en quelque sorte la chair de l’homme dans la personne de tant de chrétiens qui recevraient dignement sa chair sacrée, et il voulait également communiquer aux âmes sa grâce et aux corps ressuscités une vertu qui devait les rendre participants de la clarté de sa propre gloire. Car - sachez-le bien - qui auront reçu fréquemment et dignement cet aliment divin jouiront dans leur chair ressuscitée d’une gloire accidentelle plus grande que celle de ceux qui ne méritèrent pas de le recevoir si fréquemment, même si, par ailleurs, ils sont égaux en mérites. (...). Qui aurait pu imaginer une œuvre semblable, c'est-à-dire que Dieu se soit fait créature, et que la créature devienne Dieu de cette manière inexplicable par le moyen de cette double communication ! ».
« Par ce sacrement, nous sommes transformés en Dieu, et nous nous joignons à Lui dans cette union très heureuse, de sorte que tout ce qui est à lui devient nôtre, et son corps et son cœur deviennent un avec les nôtres. Celui qui le reçoit fréquemment, sera uni intimement à Dieu comme une goutte d’eau tombée dans une jarre de vin ; de sorte qu’aucune créature ne pourra trouver de distinction ou de distance entre Dieu et son âme (...). Si l’on rencontrait deux personnes également saintes en toute leur vie, dont l’une aurait reçu avec de meilleurs dispositions ce sacrement, celle-ci, par cette réception plus parfaite, brillera éternellement comme un soleil resplendissant davantage que l’autre, et se joindra à Dieu par une union plus admirable » (Jean Tauler, Les Institutions divines, c. 38).
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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