BIOGRAPHIE DU P. ARINTERO
Introduction - Un saint dans l'Histoire sainte (3)
Cette unité est fondée chez lui sur une intuition qui passa en son temps pour révolutionnaire aux yeux de certains, y compris de ses frères en religion, à cause des débats houleux de l’époque sur le modernisme : celle de l’évolution.
Purgeant peu à peu cette notion de toute idée de transformisme, le P. Arintero comprit que la réalité qu’elle exprimait était une norme inscrite dans toute la création, mesurant providentiellement tout l’univers. Elle est l’œuvre du Dieu vivant « qui donne la croissance » (1 Cor. 3,7). Il la découvre exprimée par le Christ lui-même dans les paraboles rapportées par les Évangiles, en particulier celle du grain de sénevé (Mat. 13, 31-32). Dans le domaine minéral ou biologique, qu’il a pu observer dans ses études de sciences, mais aussi dans le domaine humain et chrétien, partout cette loi incline analogiquement les œuvres de Dieu à leur perfection, jusqu’à ce sommet, pour l’homme racheté et “déifié” par le Christ, qu’est la sainteté. Le scientifique sert ici le théologien, la raison sert la foi, l’expérience naturelle le progrès mystique, et la recherche spéculative enfin, stimule l’ardeur de l’apôtre. Le Père Arintero, par son œuvre, est ainsi venu offrir à notre époque déstructurée et à bien des égards malades, à la fois une pédagogie du sens de l’unité à retrouver et, au sens plénier de l’expression, une précieuse leçon de savoir-vivre humain et chrétien. Il illustre ainsi, de manière originale, le propos de saint Jérôme : « tous les saints sont des médecins ».
Juan González Arintero fut un théologien de l’Église, qu’il considérait essentiellement, selon une approche alors très nouvelle, comme un organisme vivant, un « corps organique », qui « vit et croit sans défaillir au milieu des plus terribles épreuves », et qui « évolue sans risquer de se transformer, en demeurant toujours identique à travers toutes les formes extérieures et toutes les vicissitudes » (1). Sa réflexion invite les protagonistes de la crise de l’Église de notre propre temps à réfléchir à ce mystère, pour se garder des positions également erronées de l'intégrisme et du progressisme.
Il fut aussi un théologien de la mystique, dont il contribua de manière décisive à restaurer les études en Espagne, au milieu de débats parfois très durs, inspiré notamment par les écrits de l’abbé Auguste Saudreau (1859-1946), et inspirant à son tour, en particulier, le P. Reginald Garrigou-Lagrange 1877-1964), qui vit en lui « un maître qui m’a beaucoup donné » (2).
Puisant dans les Écritures et les écrits des saints, qu’il cite très abondamment, il montre que la contemplation n’est pas un charisme singulier, mais qu’elle est dans la continuité du dynamisme vivant de la grâce sanctifiante, sans rupture essentielle avec la vie ascétique qui l’accompagne (3).
Cependant, au fond, la qualification qui lui convient peut-être le mieux, encore qu’elle puisse paraître de prime abord assez fade, est celle de “théologien de la vie chrétienne”.
Sa volonté, en effet, était de replacer cette vie, cette vie très concrète de chacun et de tous les baptisés, qui est une vie de la grâce et des dons du Saint-Esprit, au cœur de la vie contemplative et aimante de l’Église, comme dans son lieu naturel de communion et d’épanouissement. Fustigeant les théologiens qui dédaignaient d’étudier la vie mystique, au risque d’ignorer « ce qui leur est le plus nécessaire de savoir pour leur propre profit et celui des âmes dont ils ont la charge » (4), il défendit énergiquement l’idée que cette vie était non seulement ouverte à tous les chrétiens, et pas seulement aux « âmes extraordinaires », mais qu’elle leur était strictement nécessaire. Il était pour lui impossible de considérer qu’un chrétien pût réaliser sa vocation, quel que fût l’état de vie embrassé, sans qu’il s’engageât dans la voie de l’oraison et de la contemplation. En cela, le P. Arintero fut, bien avant le deuxième Concile du Vatican, un clairvoyant docteur de l’appel universel à la sainteté, au point que l’on a pu dire de lui que, « parmi les précurseurs du Concile en cette matière concrète, aucun théologien ne peut [lui] être comparé, même de loin » (5).
Il lui était dès lors naturel, au sens vital qu’il pouvait lui-même donner à ce terme, de tourner cette énergie de conviction profonde en pratique. En une pratique personnelle, tout d’abord, qui le conduisit, au travers de nombreuses aridités, à suivre les voies contemplatives et saintes qu’il disait nécessaires.
En apostolat, ensuite, en digne fils de saint Dominique, pour ouvrir les âmes, toutes les âmes, aux « indicibles enchantements et aux ineffables délices » (6) de la vie spirituelle, sous l’attrait de l’Amour miséricordieux, dont il fut un ardent apôtre, sous l’influence décisive d’une religieuse française, la visitandine Mère Marie-Thérèse Desandais (1876-1943), notamment par la revue La vide sobrenatural, qu’il fonda en 1921.
Sa théologie de l’Église elle-même ne laisse pas d’avoir une finalité apologétique car il entend en faire découvrir les beautés pour mieux toucher les cœurs.
L’histoire qui suit lie intimement la vie et l’œuvre de ce saint religieux afin, précisément, qu’elle puisse servir d’exemplum. Elle manifeste ainsi, espérons-nous, le déploiement d’une œuvre de vie gouvernée par une pensée, déploiement où pensée et œuvre s’enracinent dans l’Amour. En cela se trouve révélée une histoire sainte personnelle qui répond, en s’y conformant, à l’œuvre même de Dieu, une histoire sainte dans l’Histoire sainte.
En cela apparaît aussi, par les voies ordinaires suivies communément par la grâce, loin des éclats dorés de certaines hagiographies mais inspirés par le même amour, les « grands et beaux exploits » d’une vie dont les œuvres nous permettent heureusement de conserver la mémoire, pour notre instruction, et pour notre propre progrès.
Cette histoire, doit-il être précisé, n’a aucune prétention scientifique. Elle est seulement l’expression d’un devoir de reconnaissance et de piété à l’égard d’un maître de la vie spirituelle méconnu, l’un, pourtant, des plus grands du siècle passé.
Puisse-t-elle, Dieu aidant, donner ou confirmer à ceux qui la liront, le goût de la recherche de Dieu.
L'œuvre du P. Arintero n’avait pas elle-même d’autre fin : servir « uniquement au plus grand honneur et à la gloire de l’Église ainsi qu’au bien des âmes » (7).
Patrick de Pontonx
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(1) Juan G. Arintero, Desenvolvimiento y vitalidad de la Iglesia, Fundaciόn universitaria española, Seminario Suarez, Madrid 1974, t. 1, prologue, p. 37.
(2) Cf. Sylvio Hermann De Franceschi, « La défense doctrinale du système thomiste de la mystique étendue. Le P. Réginald Garrigou-Lagrange et la construction d’une école dominicaine de spiritualité », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 2019/1, tome 103, pp. 113-143.
(3) Ces éléments sont étudiés par lui, en particulier, dans son ouvrage intitulé : Cuestiones místicas. Chacun pourra lire avec profit le texte que nous publions, du Père Arintero, sur La vie mystique de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, dans lequel l'auteur développe clairement sa pensée sur ce point à propos de l'accroissement de la vie spirituelle de la Sainte.
(4) Desenvolvimiento…, op. cit., t. 1, prόlogo, p. 28.
(5) Arturo Alonso Lobo, o. p., Desenvolvimiento…, op. cit., presentaciόn, p. XXXI.
(6) La Evoluciόn mística, Ed. San Esteban, Salamanca, 1989, p. 15.
(7) Desenvolvimiento…, op. cit. t. I, prόl. p. 45.
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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Pour moi ferez beaucoup et vous n’y perdrez mie. »
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