NOTRE DÉIFICATION D'APRÈS LES PÈRES DE L'ÉGLISE (3 et fin)
En effet, ces vérités si vitales et à la fois si consolantes, qui donnaient aux premiers chrétiens tant de vie, de force et d’ardeur (1), commencent à appeler sérieusement l'attention de beaucoup d’apologistes et de théologiens qui connaissent à fond les besoins de notre temps et cherchent un remède efficace à tant de maux qui menacent ou affligent la religion.
Au constat de cette plaie générale de l'indifférentisme dominant, de cette tiédeur et de cette froideur sceptiques [qui conduisent tant d'âmes à la défection, à la ruine, et même à la trahison et à une rude opposition à la vérité], et de ce criticisme subjectiviste qui semble asservir la pensée moderne, le remède consiste précisément à réveiller la conscience et le sentiment des fidèles, afin qu’ils sachent à nouveau apprécier, sentir et vivre, comme il le faut, la vie que Jésus nous a apportée du ciel.
C’est du sommeil, chez tant de chrétiens, de la conscience de leur sublime dignité que proviennent la tiédeur de leur vie surnaturelle et le peu d’estime qu’ils en ont, quand ils ne vont pas jusqu’à rougir d’elle. Ils rendent ainsi méprisable le nom de chrétien aux yeux des autres, alors qu’en réalité la vie intime de l’Église est pleine de charmes pour ceux qui vivent en elle et pleine d’attraits pour ceux qui l’observent du dehors avec sincérité.
Si nous manifestions et si nous découvrions aux yeux de ces derniers, comme le dit Blondel, l’âme de l’Église, et si nous leur parlions, comme l’ordonne l’Apôtre (Col. 4,5-6) un langage plein de grâce et de sagesse, en leur montrant la beauté, le bonheur, les délices et les grandeurs de cette vie divine, nous les attirerions et les gagnerions au lieu de les repousser.
Et il suffirait, pour imposer silence et même changer d’avis à ceux qui nous qualifient « d’obscurantistes et d’esprits rétrogrades », de leur parler un peu, opportunément et à la manière des Pères, de la prodigieuse déification des âmes chrétiennes, où tout est harmonie, continuité et logique vitale sans qu’il y ait la moindre incohérence ni hétéronomie.
C’est pourquoi nous croyons opportun d’exposer plus en détails – selon nos forces – une doctrine d’une si grande importance, si mal répandue et si peu comprise même parmi nous, et si essentielle à un ouvrage portant sur la vie et l’évolution de la sainte Église. Que le Seigneur nous aide à avancer dans cette voie avec discernement !
Nous essayerons donc d’exposer maintenant : 1° la nature, les éléments et les conditions de la vie surnaturelle ; 2° ses principes d’opération, c'est-à-dire les énergies et les facultés divines ; et 3° les principaux moyens du progrès spirituel.
Ensuite, dans la deuxième partie, nous examinerons les dispositions et les préparations que cette vie exige, les obstacles qu’il faut surmonter, les voies qu’elle suit dans son développement, les moyens de la favoriser et de nous purifier pour ne pas l’empêcher, les principaux degrés qu’elle parcourt, les phases qu’elle présente, les phénomènes qui sont normalement les siens et les épiphénomènes que l’accompagnent ordinairement.
Après avoir mis en évidence ses inappréciables richesses et montré la parfaite continuité existant entre la vie ascétique et la mystique, nous pourrons enfin, dans la troisième partie, montrer comment cette vie divine se développe, se manifeste et se perfectionne dans tout le Corps mystique de l’Église. ❧
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(1) Les Actes des martyrs et les coutumes des premiers siècles nous en fournissent d'intéressants témoignages. Les chrétiens d'alors avaient si bien conscience de la vie surnaturelle qu'ils aimaient à s'appeler : Théophore, Christophore (Porte-Dieu, Porte-Christ), comme le faisait saint Ignace. C’est pourquoi, lorsque Trajan lui demanda : - « Qui est ce Théophore ? », il répondit : - « C'est celui qui porte Jésus-Christ dans son cœur ». - « Alors tu portes le Christ ? » - « Sans aucun doute, car il est écrit : “Je ferai en eux ma demeure” ». Saint Ignace, dit Tixeront (Hist. Dogm. Pp. 144-146), nous présente la vie chrétienne, comme lui-même, dans l’ardeur de son amour, essayait de la vivre. Jésus-Christ en est le principe et le centre : Il est notre vie, non seulement parce qu’il nous a apporté la vie éternelle, mais aussi parce qu’il demeure personnellement en nous, et qu’il est en nous un véritable et un indéfectible principe de vie (Eph. 3,2 ; 11,1 ; Mag. 1,2 ; Smyrn. 4,1 ; Trall. 9,1). Il habite en nous et nous sommes ses temples ; Il est notre Dieu en nous (Eph. 15,3 ; Rom. 6,3). D’où le nom de théophores que le saint se donne à lui-même au début de ses lettres, et les épithètes de θεοφοροι, ναοφοροι, χριστοφοροι, αγιοφοροι, qu’il donne aux éphésiens (9,2) ; de là l’union l’union qu’il souhaite aux églises avec la chair et l’esprit de Jésus-Christ (Mag. 1,2). « La foi et la charité, dit-il (Eph. 14,1), sont le principe et la fin de cette vie (...) ; tout le reste en dérive pour la bonne conduite ». Cette ardente charité le conduit à l’amour des souffrances et à la soif du martyre, et lui inspire ces accents passionnés : « Mon amour est crucifié, et il n’y a pas de feu qui me consume ; mais il y a une eau vive qui parle et me dit intérieurement : “Viens au Père” (Rom. 7,2). Saint Andronique répondit au juge qui le menaçait : « J'ai le Christ en moi ». Et sainte Lucie disait pareillement à celui qui l’interrogeait : « Ceux qui vivent chastement et pieusement sont les temples de l'Esprit-Saint ».
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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