INTRODUCTION AU CANTIQUE DES CANTIQUES (4)
6. RELATION FAMILIÈRE ET ÉPOUSAILLES MYSTIQUES AVEC LES ÂMES
L’immense amour du Verbe divin l’a conduit à nouer avec nous toutes sortes de relations amicales, jusqu’aux plus intimes et aux plus cordiales qui se puissent imaginer. C’est ainsi que, non content d’être notre Rédempteur, notre Pasteur, notre Médecin, notre Seigneur, notre Père, notre Frère, notre Ami, il a voulu être rien moins que le véritable Époux de nos âmes (1). Tel est assurément le titre qui lui est le plus cher parce qu’il est celui qui indique l’amour le plus tendre et le plus profond (2).
Il ne serait pas possible de trouver d’autres noms qui expriment aussi vivement cette intimité, nous dit saint Bernard, que ceux d’Époux et d’Épouse, entre lesquels tout est commun : les biens, la table, la demeure, le lit (in Cant., sermon 7). Il a même voulu être une seule chair et un seul sang avec nous, en prenant notre nature pour nous rendre participants de la sienne. Il nous a donné ensuite à manger son propre corps et à boire son propre sang très précieux, afin que nous ayons ainsi la vie éternelle, toujours davantage en abondance. Il nous a offert de participer de plus en plus à son Esprit divin, dont la plénitude réside en Lui pour communiquer aux autres, sans limitation, selon son bon plaisir (3) : tous ceux qui adhèrent à Lui deviennent un seul esprit avec Lui (1 Cor., 5,17).
Le psalmiste nous le présente (Ps. 18,6) comme un géant descendant du ciel, pour y remonter ensuite au plus haut, agissant comme un Époux s’efforçant de gagner à lui tous les coeurs, sans exception, au feu de son saint amour (ib. 7 ; Luc 12,49). Par Osée (2, 19,20), il promet de nous unir à Lui dans la foi, la justice, le jugement et la miséricorde, ce qui advient par le baptême, avant que cette alliance ne soit ratifiée par une vie sainte appelée à se consommer dans la gloire. Il nous promet aussi, dans une certaine mesure, de nous élever aux sommets de la vie mystique où est célébré un mariage spirituel alors indissoluble.
Chez Jérémie (2,2) et Ezequiel (16 ss.), Jérusalem apparaît comme une épouse choisie par Dieu lui-même : ses infidélités sont dépeintes sous les couleurs les plus noires de l’adultère.
Le Baptiste se déclare ami de l’Époux divin qui vient gagner les âmes et les emplir d'amour (Jn 3, 29), et le Christ lui-même compare le Royaume des Cieux à un Roi céleste qui célèbre les noces de son Fils (Jn 3, 29). Saint Paul représente quant à lui l’Église, véritable Royaume de Dieu sur la terre, comme l’épouse du Christ (Éph. 5, 29). L’Apocalypse (19,7), enfin, célèbre les noces éternelles de l’Agneau de Dieu.
Ainsi, ce Cantique par excellence, est le divin épithalame par lequel le Père Éternel a voulu célébrer depuis des temps très anciens les noces de son Fils unique et de l’épouse qu’il lui avait destinée. Au cours de ces noces se manifestent merveilleusement les prodiges de l’amour que ce divin Époux nous porte (Jn 3,16), et l’admirable bienveillance qui fut la sienne en s’abaissant à notre petitesse pour nous élever à son infinie grandeur.
« On voit ici vivement dépeints - nous dit Fr. Luis de León, dans le prologue de sa traduction - les amours enflammées des véritables amants, leurs désirs ardents, les attentions qu’ils ont constamment l’un pour l’autre, les rudes angoisses de l’absence et la crainte qu’elle suscite, en un mot, tous ces sentiments que les amants passionnés éprouvent ordinairement, et qui sont ici d’autant plus vifs que l’amour divin est plus vif et plus parfait.
Ils sont exprimés avec le plus grand bonheur dans le choix des termes utilisés, la douceur des compliments, l’étrangeté des comparaisons les plus belles, comme il n’a jamais été écrit ou entendu de pareil. C’est pourquoi la lecture de ce livre est difficile pour tout le monde, dangereuse pour les jeunes gens, et pour ceux qui ne sont pas bien avancés et fermes dans la vertu. En effet, en aucun autre livre on n’exprime la passion de l’amour avec tant de force et de sens qu’en celui-ci. C’est une chose certaine et bien connue que, dans ces Cantiques, derrière les galanteries amoureuses de la personne du roi Salomon et de son épouse, le Seigneur explique l’Incarnation du Christ et l’amour très profond qu’il a toujours eu pour son Église, ainsi que d’autres secrets de grand mystère et de grand prix ». Ainsi en est-il de tous ceux qu’il communique aux âmes heureuses qui l’aiment véritablement.
Nous devons donc considérer ce sublime Cantique comme un entretien spirituel entre Jésus-Christ et son Église, et toute âme solidement chrétienne qui en est membre et qui est son épouse. Il manifeste ici deux offices ou rôles : celui du Maître très sage, qui enseigne les vérités les plus hautes et les ineffables mystères qui concernent notre sanctification ; et celui du très aimant et très aimable Époux qui magnifie par d’incroyables louanges les prérogatives de sa douce Épouse, et qui, en même temps, l’enrichit et la comble de grâces et de dons. De leur côté, l’Église et toute âme juste manifestent ici deux autres rôles : celui du disciple, celui de l’épouse, et, en définitive, celui de la maîtresse de nombreuses autres âmes, auxquelles il est habituellement donné le nom de « jeunes filles », ou de filles de Sion ou filles de Jérusalem. Ces dernières désignent les âmes qui sont encore à totalement mondaines ou profanes et qui, ainsi, comprennent peu les voies de l’esprit, tandis que les premières en désignent d’autres, plus pures et plus avancées qui perçoivent déjà les parfums divins de la vertu.
La matière de ces divins entretiens et de cette sainte conversation, constituée par les dialogues des personnes qui s’expriment, est utile et bénéfique au plus haut point et extrêmement élevée. L’ensemble du Cantique est ainsi ce qu’il y a de plus instructif, de plus doux et de plus délectable dans notre sainte Religion.
Notes
(1) « Quand il veut être craint, le Seigneur se désigne comme maître ; quand il veut être honoré, comme père ; et quand il veut être aimé, comme époux » (s. Grégoire le Grand, Prologue, in Cant.).
(2) Cf. Richard de S. Víctor, Explic. in Cant., Prol. ; S. Bernard, in Cant. Sermon 83.
(3) Cf. ]n. 1, 16 ; 3, 34 ; 6,55; 10,10; Éph. 4,7.
ARINTERIANA
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Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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