LES DONS DU SAINT-ESPRIT (4 et fin)
« Dans l'ordination à la fin ultime surnaturelle, à laquelle la raison meut selon qu'elle est quelque peu et imparfaitement formée par les vertus théologales, cette motion de la raison ne suffit pas si l'instinct et l'impulsion supérieure de l'Esprit Saint n'intervient pas », dit-il. « Nul ne peut parvenir à hériter cette terre des bienheureux s'il n'est mû et conduit par l'Esprit Saint. Et voilà pourquoi il est nécessaire à l'homme, pour atteindre cette fin, d'avoir le don du Saint Esprit ».
« Informée par les vertus théologales, observe le P. Froget (p. 419), notre raison peut commencer à nous conduire vers les plages éternelles. Cependant, comme elle n’a pas de connaissance ni de forces suffisantes pour exécuter tout ce qui est nécessaire, (…) il ne lui appartient pas de surmonter efficacement tous les obstacles ni de vaincre toutes les difficultés qui peuvent se présenter, et elle ne peut pas dès lors nous conduire efficacement au ciel sans un secours spécial, et par conséquent sans les dons du Saint-Esprit. Combien de fois, en effet, ne trouve-t-on pas un chrétien confronté à de grandes difficultés et qui ne sait quelle résolution il lui convient de prendre pour assurer son salut ! Il est donc nécessaire que Celui qui sait et peut tout se charge de le diriger et de le protéger » (1).
Ainsi, les dons viennent en quelque sorte à l'aide des vertus dans les cas difficiles. Chaque fois qu'elles ont besoin d'agir avec un héroïsme divin, ils les suppléent, très avantageusement, là où elles ne peuvent plus agir. Ils dépassent les vertus par leur portée et par leur manière de fonctionner, ils les complètent et les perfectionnent en leur donnant un éclat divin. Par conséquent, ils dépassent les vertus morales en nous ordonnant directement à Dieu et en nous unissant d’une certaine manière à Lui, quoique d’une manière différente des vertus théologales, qu’ils dépassent seulement par leur mode divin d’agir, qui fait de nous des organes vivant de l’Esprit Saint, en leur donnant ainsi un nouveau relief (2).
« Les dons - poursuit Froget - avivent la foi, encouragent l’espérance, enflamment la charité et nous donnent le goût de Dieu et des choses divines. (…) Ils perfectionnent l’action des vertus morales et les suppléent lorsqu’il est nécessaire. (…) La prudence reçoit du don de conseil les lumières qui lui manquent ; la justice (…) est perfectionnée par le don de piété, qui nous inspire des sentiments de tendresse filiale à l’égard de Dieu et nous donne des entrailles de miséricorde pour nos frères. Celui de force nous fait surmonter avec intrépidité tous les obstacles qui peuvent nous écarter du bien, nous donne confiance face à la peur des difficultés, et nous inspire le courage nécessaire pour entreprendre les travaux les plus rudes. Enfin, celui de crainte soutient la tempérance contre les violents assauts de la chair ».
Les dons produisent donc une action très énergique et certains efforts plus héroïques. Ainsi, comme le dit saint Thomas, ils « perfectionnent les vertus en les élevant à un mode d’agir surhumain » (3).
Par les dons, il est possible de s’élever aux sommets de la perfection de l’âme, laquelle, par les vertus infuses, a été rendue apte à pratiquer les oeuvres ordinaires de la vie chrétienne. C’est pourquoi les maîtres de la vie spirituelle comparent les dons du Saint-Esprit aux ailes d’un oiseau ou aux voiles d’un navire (4).
La raison humaine, même appuyée sur les vertus infuses, ne pouvant pas nous conduire efficacement à notre fin dernière sans une motion spéciale de l’Esprit Saint, cette impulsion nous est nécessaire tout comme les dons eux-mêmes, et cela tout au long de notre existence, même si ce n’est pas de manière constante mais seulement de temps en temps, selon les difficultés qui se présentent, les actes héroïques à réaliser, le degré de perfection auquel nous sommes appelés, ainsi que selon le bon plaisir de Celui qui, étant maître de ses dons, les distribue comme il lui plaît.
Il n'y a pas d'époque dans la vie, pas d'état humain ni de condition, qui puissent se dérouler sans les dons et sans leur influence divine. En effet, ainsi que le souligne saint Thomas lui-même, « l'homme n'est pas perfectionné par les vertus théologales et morales à l'égard de la fin ultime au point de ne pas toujours avoir besoin d'être mû par une impulsion supérieure du Saint-Esprit » (5).
Sans cette motion, à un degré plus ou moins grand, nous ne pourrions même pas être de véritables enfants de Dieu. Nous ne le sommes en effet que dans la mesure où nous sommes animés, mus, agis (« aguntur ») par ces impulsions divines (Rom., 8,24) « sans lesquelles - comme disait saint Grégoire le Grand - il n’est pas possible de parvenir à la vie, et pour lesquelles l’Esprit divin demeure toujours en ceux qu’il a choisis » (6). Il les meut de la sorte, ajoute saint Augustin, nous pas pour qu’ils restent inertes, mais pour pour qu’ils agissent avec davantage d’énergie : « Aguntur enim ut agant, non ut ipsi nihil agant » (7). ❧
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(1) « O joyeux Consolateur ! O souffle bienheureux qui conduit les navires au ciel ! Très dangereuse est cette mer sur laquelle nous naviguons, mais avec un tel vent et un tel Pilote, nous avancerons avec sécurité. Combien de navires se sont perdus ! Que de vents contraires et que de grands dangers ! Mais au souffle de ce pieux Consolateur, ils sont conduits à bon port. Qui pourra conter les biens qu’il nous fait et les maux contre lesquels il nous préserve ? De là le vent part, et de là il retourne au Père et au Fils. De là ils l’inspirent, et là Il inspire ses amis. Là il les guide, là il les porte, là où il veut qu’ils soient. Bénis soient, Seigneur, Dieu tout-puissant, les cieux et la terre. Combien de témoins de ces oeuvres verrons-nous au dernier jour, dont les navires allaient à leur perte, qui allaient se briser, qui étaient sur le point de couler, et que ton souffle a sauvés, et qui sont arrivés sains et saufs au port ! Combien, ayant perdu toute espérance de vie, ont vu leur esprit ressusciter et ont reçu une vie et des désirs nouveaux, et ont été affermis dans la joie d’une espérance nouvelle ? Qui a fait tout cela ? L’Esprit Saint qui a soufflé jusqu’à Dieu sans rencontrer de résistance » (saint Jean d’Avila, De l’Esprit Saint, tr. 4).
(2) « Les dons sont plus parfaits que les vertus morales et que les vertus intellectuelles. Mais ils ne sont pas plus parfaits que les vertus théologales. Au contraire, tous les dons sont plutôt ordonnés à la perfection des vertus théologales comme à leur fin. Aussi n'y a-t-il rien d'étrange à ce que divers dons soient ordonnés à une vertu théologale » (Somme de théologie, IIa IIae, q. 9, a. 1 ad 3).
(3)De Caritate, q. 1, a. 2, ad 17.
« De même que lorsqu’on ajoute à la pesanteur de la pierre une autre impulsion, elle se meut avec un mouvement plus rapide, de même, lorsqu’on ajoute à la volonté la perfection et l’impulsion des dons, les mouvements des vertus sont plus excellents et plus parfaits. Le don de sagesse communique un certain goût à l'âme, par lequel elle connaît sans tromperie les choses divines et les humaines, leur donnant à chacune leur prix et leur poids contre le goût qui provient de l'ignorance et de la folie humaine, et ce don appartient à la charité. Le don d'intelligence illumine pour pénétrer et connaître les choses divines ; il est opposé à la grossièreté et à la pesanteur de notre entendement. Celui de science pénètre les difficultés les plus obscures, et rend les docteurs parfaits ; il est opposé à l'ignorance, et ces deux dons appartiennent à la foi. Le don de conseil redresse et retient la précipitation humaine contre l'imprudence, et il appartient à sa propre vertu. Celui de force chasse la crainte désordonnée et encourage la faiblesse, et il appartient à sa vertu. Celui de piété rend le coeur doux, lui ôte sa dureté, et l'attendrit contre l'impiété et l'insensibilité, et il appartient à la religion. Le don de crainte de Dieu humilie amoureusement contre l'orgueil, et il se réduit à l’humilité » (Vénérable Marie d’Agreda [1602-1665], La cité mystique, L. II, chap. 13).
(4) « Aussi longtemps que nous participons pas de l ’abondance des dons de l’Esprit Saint, dit en effet le Père Louis Lallemant, S. J. (1588-1635), nous devons travailler et suer dans la pratique de la vertu. Nous sommes alors semblables à ceux qui naviguent à force de rames contre vents et marées. Viendra un jour, cependant, si Dieu veut, où, en recevant ces dons, nous naviguerons à pleine voile et le vent en poupe car, grâce à eux, l’Esprit Saint disposera nos âmes pour qu’elles se laissent facilement porter par ses divines inspirations. C’est avec l’aide des dons que les saints parviennent à une telle perfection, qui réalisent sans effort certains travaux auxquels nous n’oserions même pas penser. L’Esprit Saint, en effet, éloigne d’eux toutes les difficultés et leur font surmonter tous les obstacles » (Doctrine spirituelle, pr. 4, chap. 3, a. 2).
(5) Somme de théologie, Ia IIae, q. 68, a. 2 ad 2.
(6) Mor., 1.2 chap. 28.
(7) De corrupt. et grat., chap. 2, n° 4.
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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