DÉVELOPPEMENT ET VITALITÉ DE L'ÉGLISE (3)
Ainsi purifiés, les yeux de nos cœurs ne tarderont pas à être éclairés par les dons très précieux d’intelligence et de sagesse, sans lesquels personne ne peut jouir de l’intimité du Père des lumières (1). Par ces dons, en revanche, nous pourrons d’une certaine manière – comme le dit saint Thomas – voir les réalités divines et sentir leur ineffable douceur, en goûtant et voyant comme est bon le Seigneur. Si nous restons toujours attentifs à conserver l’unité de l’Esprit par les liens de la paix, compte tenu de ce que nous ne formons qu’un seul corps (Eph. 4, 3-4), alors la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, prendra sous sa garde nos cœurs et nos pensées, dans le Christ Jésus (Phil. 4,7). Elle les gardera de la perversion des vices et des erreurs humaines, en excluant de nous le ferment contagieux de l’agnosticisme et du naturalisme, du criticisme rationaliste et de l’immanentisme panthéiste, qui produisent tant de ravages aujourd’hui.
Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons cesser de nous modeler sur le monde présent, et renouveler notre jugement afin de discerner le parfait bon plaisir de Dieu (Rom. 12,2). Si nous ne nous réformons pas de cette manière, avec cet Esprit qui crée et renouvelle toutes choses (Ps. 103,30), en nous bornant à détruire les éléments de mort et le corps de péché, alors nous nous affaiblirons toujours davantage (Ib. 29), de sorte que nous nous laisserons facilement envahir par la contagion naturaliste et séduire par le modernisme, lesquels prétendent apporter la rénovation et l’évolution alors qu’ils ne font que conduire à la mort et à la dissolution (2).
6.- Pour éviter ces extrémités, il faut cependant éviter de basculer dans les extrémités opposées, parce que les extrêmes, outre qu’ils sont vicieux, se touchent en général. Ce n’est pas une solution, pour éviter les nouveautés fatales du modernisme, de tomber dans la paralysie mortelle de l’antiquisme ou de l’adamisme qui, faute de vouloir se dépouiller du vieil homme, peut difficilement se revêtir du nouveau. En ne cherchant pas à vivre pleinement selon Jésus-Christ, pour croître en Lui et contribuer de la sorte à l’édification de l’Église (Eph. 4, 12-16), celui qui réagit ainsi ne pourra que se laisser gagner par les tromperies du monde, et tituber – comme un enfant inconstant – selon les vents contraires à la foi ou à la morale. Il désédifiera, sans pouvoir dissiper les erreurs anciennes ou nouvelles qui l’environneront de plus en plus. Pour éviter tous ces travers, il n’y a qu’une solution : suivre fidèlement celui qui est la Lumière du monde. Seule sa lumière de vie peut nous faire voir et comprendre les enchantements de la vérité. A le suivre, nous pourrons vivre et agir en tout selon son Esprit (Gal. 5,25), lequel renouvellera certainement la face de notre terre et nous conduira sur une voie droite, en nous préservant de toutes sortes de voies hasardeuses (Ps. 103,80 ; 142,10). C’est ainsi que s’efforcent de vivre les vrais chrétiens. Ces derniers cherchent en toutes choses à se conformer à l’homme nouveau, lequel se renouvelle de jour en jour dans la connaissance (Col. 3,10), afin de servir Dieu, non selon les jugements des hommes ni selon la vétusté de la lettre, qui tue, mais selon la nouveauté de l’Esprit, qui vivifie (Rom. 7,6 ; 2 Cor. 3,6).
Je le répète : on ne peut pas éviter les infiltrations de l’esprit ambiant, ni la contagion des nouveautés pestilentielles qui l’accompagnent si l’on ne s’attache pas résolument à purifier et perfectionner son cœur, son intelligence et ses sens, en se prêtant à cette mystérieuse rénovation spirituelle qu’opère l’Esprit de sagesse et d’intelligence en tous ceux qui s’efforcent de ne lui résister en rien. Il faut s’appliquer à être en toutes choses docile à ses motions internes, aux éclairages qu’il nous apporte, à la voix extérieure des Pasteurs qu’il a placés à la tête de l’Église pour la gouverner et guider les âmes.
7.- Mais, me dira-t-on, en quoi peut bien consister cette rénovation, si bénéfique qu’il nous faille tant chercher à la réaliser ? En ce qu’elle a toujours consisté : à nous dépouiller de plus en plus – comme le dit l’Apôtre – du vieil homme, de ses actes mauvais, de ses habitudes invétérées, lesquels corrompent selon les désirs de l’erreur, pour nous revêtir de l’homme nouveau, créé dans la justice et la sainteté de la vérité, et qui se renouvelle jour après jour dans la connaissance de la Vérité (Cf. Ephésiens, 4, 22-24 ; Colossiens, 3, 9-10). En d’autres termes, cette rénovation consiste à fuir les ténèbres du monde pour suivre fidèlement Jésus-Christ, qui est chemin, vérité et vie. A suivre ses pas, à imiter ses merveilleux exemples et à pratiquer ses conseils, selon notre état et notre condition, nous servirons Dieu et le prochain à la mesure de notre charisme propre – comme disait saint Clément. Alors nous contribuerons à édifier le Corps mystique, en lequel nous trouverons une lumière de vie.
Approchons-nous de Lui – Soleil de justice – de cette manière. Nous en serons véritablement illuminés, sans être confondus (Ps. 33,6). Parce que la confusion n’atteint pas celui qui écoute la Sagesse, et ceux qui travaillent en sa présence ne s’égarent pas (Ecl. 24,30). Si nous nous mettons ainsi à l’école de la souveraine Vérité, en cultivant les talents que nous avons reçus, nous grandirons en grâce et en connaissance du Sauveur (2 Pierre, 3,18). A nous tenir amoureusement près de lui, la lumière de vie qu’il nous communique grandira en sainteté et en vérité. Elle dissipera les ténèbres des erreurs et des vices qui nous enveloppent pour que nous demeurions pleinement possédés par l’Esprit de Vérité lui-même, au point que ce ne sera plus nous qui vivrons et agirons – selon nos attaches à la terre – mais que ce sera Jésus-Christ lui-même qui agira par nous et vivra en nous (Galates, 2,20). Voilà en quoi consiste pour nous tous, membres de la sainte Église, notre rénovation dans l’Esprit, pour vivre purs, forts et saints, afin de contribuer à restaurer toutes choses dans le Christ (3).
En effet, à mesure que les membres de l’Église se renouvellent, la face du Corps mystique tout entier se renouvelle aussi (4), qui doit poursuivre son édification dans la charité, en grandissant et en progressant, comme celui qui est sa Tête, « en âge, en sagesse et en grâce » (Luc 2,52), jusqu’à atteindre la plénitude du Christ (Ephésiens, 4, 12-16).
Nous avons ainsi les trois formes principales de progrès ecclésial que je tâcherai d’examiner dans cet ouvrage. En connaissant le mode selon lequel l’Église de Dieu s’est déjà développée et renouvelée, nous pourrons, sur le fondement de son histoire, de son expérience et de sa doctrine, mieux inférer ce que seront ses évolutions postérieures et les rénovations de cette Épouse mystique, jusqu’à parvenir à la plénitude de son expansion et de sa beauté, pour paraître devant son Époux, toute pure, belle et sans tache (Éphésiens, 5,27).
8.- Le progrès chrétien, comme tout progrès réel, consiste à conserver fidèlement tout ce qui est bon de ce que l’on a reçu en héritage, à le cultiver, pour qu’il ne soit pas détérioré, à le faire fructifier et à l’accroître, à le compléter, par des acquisitions ou des assimilations nouvelles. Il en est ainsi lorsque l’on éprouve toutes choses et que l’on accepte de retenir celles qui s’avèrent bonnes et légitimes (1 Thessaloniciens, 5,21), d’où qu’elles viennent, anciennes ou modernes, parce que toute vérité, toute bonté, où qu’elle se trouve, est de Dieu (5).
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(1) « Dieu n’aime que celui qui demeure dans la sagesse » (Sag. 7,28). « Là où font défaut les dons d’intelligence, de science et de sagesse, il y a nécessairement obscurcissement du sens, aveuglement de l’entendement, ignorance et sottise, toutes choses qui empêchent tout progrès dans la connaissance des dogmes » (cf. Lepicier, o.s.m., De stabilitate et progressu dogmatis, 2e édit. 1910, p. 232).
(2) « Le modernisme est une erreur qui, en apparence, n’attaque pas la religion chrétienne mais qui, en réalité, la détruit toute entière, en minant les bases mêmes de l’édifice religieux. Il paraît la maintenir telle qu’elle est : il parle de l’Église avec son triple pouvoir (doctrinal, disciplinaire et liturgique), de la révélation, du surnaturel, des miracles, des dogmes, des sacrements et des rites ; mais, en réalité, il conserve les mots et supprime les choses, en leur donnant un sens nouveau différent du sens traditionnel. C’est un concept inédit du christianisme qui, sous des apparences trompeuses, implique la négation complète du surnaturel » (cf. Baylac, Rev. Pr. D’Apolog., 1er juillet 1908, p. 481 – traduit de l’espagnol). Le modernisme, comme l’a très bien dit la Civiltà Cattolica, « n’est qu’une forme, mitigée de phrases chrétiennes, du naturalisme qui infecte toute la vie moderne ».
(3) « (…) pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement » (Éphésiens 4,23) ; « Et ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait. » (Romains, 12,2).
« Il s’ensuit qu’unis au Christ dans l’Église, nous grandissons aves lui par tous moyens, et l’Église notre Mère confirme chaque jour davantage le mystère de la volonté divine, c'est-à-dire celui de réunir toutes choses dans le Christ lors de la plénitude des temps (Eph. 1, 9-10) » (s. Pie X, Editae saepe, 36 mai 1910, préc. n° 16).
(4) Cf. J.-G. Arintero, Evolución mística, 3e partie, chap. 1.
(5) Cf. s. Thomas d’Aquin, in 1 Cor. 12, lect. 1 [« (… ) C’est pourquoi la Glose, citant saint Ambroise, dit sur ce passage : "Tout ce, qu’il y a de vrai, n’importe qui le dise, procède de l’Esprit Saint", principalement les vérités de foi » ; Opuscule 68.
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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