LA VIE MYSTIQUE DE SAINTE THÉRÈSE DE L'ENFANT-JÉSUS (2)
« Voilà donc tout ce que Jésus réclame de nous. Il n'a pas besoin de nos œuvres mais uniquement de notre amour. Ce même Dieu qui déclare n'avoir nul besoin de nous dire s'il a faim, n'a pas craint de mendier un peu d'eau à la Samaritaine. Il avait soif ! Mais en disant : “Donnez-moi, à boire”, c'était l'amour de sa pauvre créature que le Créateur de l'Univers réclamait. Il avait soif d'amour ! »
Thérèse va plus loin, - elle ose inviter tontes les âmes, sans exception, à entrer dans la petite voie, pour être sûres d'atteindre, si elles sont fidèles, le sommet de la sainteté.
« Ah ! si les âmes faibles et imparfaites comme la mienne sentaient ce que je sens, aucune ne désespérerait d'atteindre le sommet de la montagne de l'amour. » - « Oh ! Jésus, laisse-moi te dire que ton amour va jusqu'à la folie. Comment veux-tu, devant cette folie, que mon cœur ne s'élance pas vers toi ? Comment ma confiance aurait-elle des bornes ? O Jésus ! que ne puis-je dire à toutes les petites âmes ta condescendance ineffable ! Je sens que si, par impossible, tu en trouvais une plus faible que la mienne, tu te plairais à la combler de faveurs plus grandes encore, pourvu qu'elle s'abandonnât avec une entière confiance en ta miséricorde infinie ! » (Vie, chap. X-XI et Lettres).
Une telle confiance, on le comprend, n'avait pu s'acquérir par des efforts personnels ou par de simples considérations.
Mais, comme le dit saint Paul, « Dieu a mis en nous l'Esprit de son Fils par lequel nous crions Père ! Père ! » (Gal. 4,6). Et encore : « L'amour a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné » (Rom. 5,5). Cette amoureuse confiance découlait donc, naturellement, de l'habitation de l'Esprit-Saint dans l'âme de Thérèse, de cet Esprit qui, dès le commencement, voulut en prendre une spéciale possession et qui la fit toujours penser, agir, parler, comme il convient à une enfant de Dieu.
Nous la voyons douée d'un sens profond des choses d'En-Haut et d'une grande pénétration des mystères de la vie surnaturelle qui ne lui permettent pas de se conduire comme le font, à son âge, la plupart des âmes dévotes. À tout instant nous l'entendons s'écrier : « Je sens, je vois, je comprends ! »
Non seulement elle sentait, comme par un instinct surnaturel, ce que Dieu voulait d'elle, mais maintes fois elle alla jusqu'à prédire ce que le Tout-Puissant voulait opérer en son âme et la mission qu'il allait lui confier.
Instruite par le Maître divin et consciente de cette divine direction, elle ne craint pas de s'en prévaloir et d'y appuyer tels ou tels de ses actes. C'est ainsi qu'elle nous déclare ne pouvoir compter ses pratiques de vertu, comme certains directeurs le conseillent – et très sagement pendant que l'âme se trouve en état ascétique, et partant capable de suivre des méthodes – cela, parce qu'un autre Directeur, plus sage et plus puissant, en ordonne pour elle autrement.
Voici les paroles textuelles de la sainte :
« Certains directeurs, je le sais, conseillent de compter ses actes de vertu, pour avancer dans la perfection ; mais mon Directeur, qui est Jésus, ne m'apprend pas à compter mes actes : il m'enseigne à faire tout par amour » (Esprit, p. 4).
Elle dit ailleurs : « Il me nourrit à chaque instant d'une nourriture toute nouvelle ; je la trouve en moi sans savoir comment elle y est. Je crois tout simplement que c'est Jésus lui-même, caché au fond de mon pauvre petit cœur qui agit en moi d'une façon mystérieuse et m'inspire tout ce qu'il veut que je fasse au moment présent ».
« Jésus, ajoute-t-elle, enseigne sans bruit de paroles ; jamais je ne l'ai entendu parler ; mais je sens qu'Il est en moi. À chaque instant, Il me guide et m'inspire ; j'aperçois, juste au moment où j'en ai besoin, des clartés inconnues jusque-là. »
« Parce que je suis petite et faible, écrit-elle encore, Jésus s'abaisse vers moi et m'instruit doucement des secrets de son amour. Il se plaît à me montrer l'unique chemin qui conduit à cette fournaise divine : ce chemin, c'est l'abandon du petit enfant qui s'endort sans crainte dans les bras de son Père ».
Plus tard, elle entend une voix intérieure lui affirmant cette emprise de Dieu sur elle : « Puisque ton âme est entièrement livrée à l'Amour, toutes tes actions, même les plus indifférentes, sont marquées de ce cachet divin. »
Et, près de mourir, elle se rendra ce beau témoignage : « Je n'ai jamais donné au Bon Dieu que de l'amour ! ».
Mais c'est toute son autobiographie qu'il faudrait citer. Bornons-nous aux lignes suivantes :
« Je sentis un grand désir, celui de n'aimer que le Bon Dieu, de ne trouver de joie qu'en Lui seul (...) Comment un cœur livré à l'affection humaine peut-il s'unir étroitement à Dieu ? Je sens que cela n'est pas possible. J'ai vu tant d'âmes séduites par cette fausse lumière (…).
« Jésus était mon unique Ami : je ne savais parler qu'à Lui seul ; toutes les conversations, même les conversations pieuses, me fatiguaient l'âme » (1).
« O mon Dieu, votre amour m'a prévenue dès mon enfance ; il a grandi avec moi, et maintenant c'est un abîme dont je ne puis sonder la profondeur. »
Ces derniers mots résument tout le mystère de la vie de sainte Thérèse, de cette délicieuse vie d'amour, comme elle l'appelle.
Et comme « le véritable amour n'est jamais oisif, mais, dit saint Grégoire, opère de grandes choses », cet amour a fait en elle ces merveilles d'abnégation et de sacrifice que le monde ne peut apprécier à sa juste valeur, parce qu'elles ne sont pas le fruit de notre pauvre nature, mais la manifestation de la vertu d'En-Haut. C'est cela que, dans son charmant langage, elle appelait : « jeter des fleurs à Jésus », c'est-à-dire « ne Lui refuser aucun sacrifice, aucun regard, aucune parole. Je veux souffrir par amour ; ainsi je jetterai des fleurs. Je n'en rencontrerai pas une sans l'effeuiller pour vous. »
« Il est à remarquer, dit très bien l'Esprit de la Sainte, que la vie religieuse de Thérèse débute et se maintient dans ce même élan qui, toute jeune, l'entraîna vers la sainteté. Elle n'a qu'une pensée : ne vouloir que Jésus, et les plus menus incidents l'y ramènent sans cesse. »
Or cette constance et cet esprit de sacrifice, toujours croissants, sont incompréhensibles sans une communication spéciale du divin Esprit qui opéra tout en elle, comme, d'ailleurs, il a coutume de le faire, plus tôt ou plus tard, dans toutes les âmes qui lui sont vraiment fidèles et se laissent enchaîner par son amour.
Si, pour elle, les communications extraordinaires furent rares, c'est que, voulant en faire un modèle plus imitable et attrayant, Dieu préféra la laisser dans les voies les plus simples de la vie surnaturelle.
En revanche, elle fut comblée de ces faveurs qui attirent à peine l'attention, mais sont pourtant les plus sanctifiantes, celles qui constituent le fond ordinaire de la vie mystique ou spirituelle, la vie des âmes qui se laissent posséder et mouvoir par le divin Esprit.
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(1) Voilà un mot révélateur, classique en spiritualité : c’est le son d’une âme pure de celle qui a pris le point de vue de Dieu, de celle qui est servante du Seigneur, consommée dans l’Un.
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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